Notes


 

61. France

En 1989, les membres de la Bibliothèque des Emeutes pensaient encore que la France était le dernier Etat où des émeutes modernes pouvaient avoir lieu.
 
 

  1990
17-03 Saint-Denis de la Réunion : 15 000 manifestants pour soutenir Télé-Free-DOM. 500 attaquent la police. Pillage.
29-08 « Journée d'action » des paysans. 
Evreux, Angers : affrontements, destructions les plus importants.
13-09 Nevers : 10 000 paysans. Au moins 300 attaquent les CRS pendant cinq heures. 
06-10 Lyon-Vaulx-en-Velin : bavure. 500 attirent la police en brûlant. Affrontements.
07-10 Lyon-Vaulx-en-Velin : incendie du centre commercial. Pillage. Affrontements.
08-10 Lyon-Vaulx-en-Velin : point culminant. L'émeute gagne les banlieues voisines.
09-10 Lyon-Vaulx-en-Velin : affrontements. Division des émeutiers : jeunes-vieux, du quartier-extérieurs, furieux-arrivistes.
12-11 Paris : 15 000 lycéens. Cinq heures de combats notamment au pont de l'Alma. Banlieusards. Pillage. Prise à partie de journalistes.
06-12 Forbach : 1 000 mineurs pour une prime. Attaque de bâtiments publics. Casse, affrontements avec la police.

Comme en répétition générale de ce qui va suivre, tous les types d'émeutes viennent de passer en revue : insulaires colonisés sur un autre continent ; travailleurs, néopaysans et ouvriers en voie de disparition ; banlieusards qui se battent dans leur banlieue ; et banlieusards qui profitent d'une manifestation pour « monter » dans les centres-villes. L'information, encore aussi surprise que l'Etat, en fait un spectacle qu'elle ne sait pas encore mesurer.

Neuve, fraîche, diversifiée, l'émeute moderne a fait craquer un verrou de comportement lié au travail, au respect, et à la résignation : tout semble possible.
 
 

  1991
23-02 Saint-Denis de la Réunion : menace de saisie de Télé-Free-DOM : affrontements dans le centre, 40 CRS blessés.
24-02 Saint-Denis de la Réunion : prise du centre commercial du quartier du Chaudron. Des « milliers » d'habitants se servent.
25-02 Saint-Denis de la Réunion : nouveaux incendies de grandes surfaces. Affrontements dans plusieurs quartiers. Au moins 10 morts.
26-02 Le Port : l'émeute a gagné la commune voisine. Les quatre jours seront qualifiés de « cyclone moyen » et de « Vaulx-en-Velin puissance mille ».
17-03 Saint-Denis de la Réunion : « pique-nique » pour accueillir Rocard, premier ministre, affrontements, pillages dans le quartier du Chaudron.
18-03 Saint-Denis de la Réunion : affrontements au Chaudron et aux Camélias.
19-03 Saint-Denis de la Réunion : « Il n'y aura bientôt plus rien à attaquer au Chaudron. »
20-03 Saint-Denis de la Réunion : affrontements dans quatre quartiers. Attaque de bus et de véhicules.
21-03 Saint-Denis de la Réunion : la « bataille des galets » gagne le quartier des Calebassiers. Le nombre d'émeutiers tend à diminuer.
22-03 Saint-Denis de la Réunion : premiers coups de fusil contre les gendarmes ; « certains défient les forces de l'ordre le sabre à canne à la main ».
23-03 Saint-Denis de la Réunion : derniers feux dans les hauts, au Brûlé (mairie annexe incendiée).
28-03 Paris-Sartrouville : 1 jeune tué par un vigile quarante-huit heures plus tôt. Incendie et pillage du centre commercial par plusieurs bandes des banlieues voisines.
25-05 Paris-Mantes-la-Jolie : pillage et destruction du centre commercial du quartier Le Val-Fourré. Evénements similaires mais moins intenses à Chanteloup-les-Vignes, Toulouse, Saint-Etienne.
26-05 Paris-Mantes-la-Jolie : cocktails, incendies, affrontements. La mort d'un interpellé détourne l'information de l'émeute même.
21-06 Narbonne : arrestation empêchée à la cité des Oliviers. L'ensemble du quartier repousse l'attaque des renforts.
23-06 Narbonne : affrontements, barricades. Le particularisme « harki » de la majorité des émeutiers détourne l'information de l'émeute même.
01-07 Pamanzi (Mayotte) : attaque contre mairie et police pour empêcher une extension de l'aéroport.
03-07 Paris-Père-Lachaise : anniversaire de la mort de la rock star Jim Morrison. 400 touristes empêchés d'entrer dans le cimetière attaquent la police.

 

Moucharde par essence et éthique, l'information n'est pas admise dans les émeutes modernes. A partir de l'été 1991, elle commence à occulter et à ghettoïser le phénomène, sans qu'il soit possible d'affirmer ou de réfuter que ce soit sur commande de l'Etat. L'émeute cesse d'être le spectacle curieux d'une conséquence extrême d'un mal quelconque de société (chômage, désœuvrement, urbanisme raté, racisme, injustice) et sera maintenant calomniée, plutôt de façon sournoise que débonnaire. Cette prise de position contribue centralement à décaler l'émeute dans le périmètre clos du zoo.
 
 
 

  1992
14-03 Nouméa : 250 attaquent une boîte de nuit, puis centre commercial. Une foule empêche les secours des pompiers.
02-09 Marseille : paysans (mévente de produits) attaquent commissariat et douane.
02-12 Saint-Denis de la Réunion : commerçants bloquent les routes, rejoints par les jeunes du Chaudron. Affrontements, pillages.
03-12 Saint-Denis de la Réunion : affrontements dans les quartiers Sainte-Clotilde et Moufia contre les militaires.
10-12 Le Port : soirée culminante d'une semaine d'échauffourées pour réclamer la liberté des arrêtés de Saint-Denis.

 

A la fin de 1992, le mouvement d'émeutes a reflué visiblement dans le monde. En France, l'étonnement est passé, parce que chaque émeute a déjà son modèle récent, et sa limite implicite. Une contagion s'étendant à une insurrection est devenue improbable. En prélude, les émeutes de la Réunion reflètent cet épuisement, qui est un manque de perspective : plus rien à piller, plus personne à étonner, l'extension est bloquée par la réorganisation de l'ennemi, et par l'océan.
 

(Texte de 1998.)


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