Notes


 

11. Prague

Le 28 octobre 1989, place Venceslas à Prague, quelques milliers de manifestants réunis pour fêter le soixante et onzième anniversaire de la naissance de la Tchécoslovaquie sont dispersés par la police stalinienne : c'est le mouvement en Allemagne de l'Est qui trouve ici un prolongement simultané. Le 17 novembre, une manifestation autorisée de 20 000 à 50 000 étudiants va être, une semaine après l'ouverture du mur de Berlin, l'unique fait d'armes de ce qui sera appelé par la suite la « révolution de velours ». Vers 18 heures, le cortège se dissout, mais de nombreux manifestants rallient le centre-ville. A 20 heures 50, la police charge violemment. Un étudiant, Martin Smid, est mort.

Dès le lendemain, ce sont 200 000 personnes qui manifestent contre le « massacre ». Les staliniens ont beau exhiber à la télévision Martin Smid vivant, ils ont trop menti pour qu'on croie l'évidence. Ce sont 200 000 personnes chaque jour qui s'aperçoivent bien que la police se débande sans se battre depuis qu'elle n'est plus soutenue par Gorbatchev. Plus roublarde, l'opposition démocratico-intellectuelle, issue de la « Charte 77 », laisse la rumeur enfler et ne dément la mort de Martin Smid que le 22, quand l'irréversible est enclenché. Le 24, toute la direction du PC, issue du « printemps de Prague » de 1968, démissionne. Le 27, toujours impuissant, ce parti accomplit sa deuxième purge en trois jours. Le réformateur Adamec, qui avait manœuvré dans l'espoir de devenir le Gorbatchev tchécoslovaque, finit par capi tuler à son tour devant l'hostilité persistante de la foule pacifique, le 7 décembre, et le 10 c'est le président-dinosaure, Husak, qui laisse la place. Ce week-end-là, la frontière est ouverte sans restriction, et 100 000 consommateurs tchèques envahissent les supermarchés d'Autriche. Avant la fin du mois, Dubcek est élu président du Parlement, Havel président de la République par ce Parlement, et la police politique, la STB, dissoute.

On a vu depuis les prodémocrates occidentaux du monde entier, à travers leur information, se féliciter de ce passage en douceur, qui ne les a pas chahutés. Et c'est avec une sorte de morgue dégagée qu'ils parlent encore de « massacre » pour une manifestation sans le moindre mort, eux qui ont préféré jouer sur ce mensonge que de laisser se développer une révolte qui avait d'indubitables raisons de se venger. C'est dans leur velours pleurnichard et qui annonce de belles années de falsification qu'ils ont étouffé une révolution un peu improbable, qui n'avait encore que deux manifestations.
 

(Texte de 1998.)


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