Grands spectacles de 1991


 

3) Guerre de Yougoslavie

a) Vers la guerre

La guerre de Yougoslavie n'est pas un spectacle paroxystique comme la guerre du Golfe ou le putsch moscovite. Son effet est plutôt récurrent. La dose yougoslave dans l'information semble d'intensité invariable, monotone, permanente. Et déjà seuls quelques spécialistes se souviennent quand et comment cette guerre a commencé, alors que le grand public, à qui elle est dédicacée, a l'impression qu'elle dure depuis toujours. Evidemment, chacun sait qu'elle n'a pas dix ans ; mais cette infirmité, qui ne nous permet plus de situer avec précision dans le temps, reflète que ce conflit est passé par l'information dans notre quotidien, comme l'un des multiples maux que notre résignation y tolère. Et notre incapacité à dater son origine signifie surtout notre soumission à son infinitude, notre démission à y mettre fin.

La Yougoslavie est un Etat fédéral, regroupant six Républiques fédérées, de la plus petite à la plus importante : Monténégro, Macédoine, Slovénie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Serbie. Sur le territoire de la Serbie se trouvent deux régions autonomes : la Vojvodine, contre la frontière hongroise, et le Kosovo, contre la frontière albanaise. Démantelée pendant et reconstruite après 1939-1945, la Yougoslavie était gouvernée par une « Ligue des communistes » et un dictateur, le maréchal Tito, auquel le stalinisme était pardonné par les Occidentaux libéraux, pour sa dispute avec Staline. Prônant l'« autogestion » (comme l'Algérie), l'Etat yougoslave autorisait (comme l'Algérie), contrairement aux autres Etats staliniens, ses travailleurs à aller se faire exploiter par des capitalistes occidentaux, notamment en Allemagne, qui lui envoyaient en échange des touristes, notamment allemands. Se disant à la tête des « non-alignés » (comme l'Algérie) pendant la « guerre froide », ce tampon entre Est et Ouest commence sérieusement à chavirer à la chute de l'Est. Il était de notoriété publique pour les pauvres de RDA que, pour passer de Berlin-Est à Berlin-Ouest, le suicidaire choisissait le Mur, l'imbécile le rideau de fer en RDA, Tchécoslovaquie, Hongrie, tandis que le raisonnable et déterminé passait par la Roumanie et la Yougoslavie. Cette digne neutralité de l'Etat yougoslave a perdu son sens en même temps que Ceausescu sa vie, lors de l'insurrection roumaine de décembre 1989.

Pourtant, c'est au Kosovo que le douillet mensonge « autogestionnaire » fut d'abord critiqué par ceux qui ne voulaient plus autogérer le mensonge. Les émeutes de 1980 trouvèrent un écho dans celles de mars et de novembre 1989, qui ne furent enfin battues qu'à l'issue du soulèvement de janvier-février 1990. Les pauvres du Kosovo avaient gardé leurs fusils en 1945. Quoique 90 % d'entre eux sont reconnus d'ethnie albanaise, leurs chefs parvinrent péniblement à leur imposer le nationalisme albanais, transformant une insurrection moderne victorieuse en insurrection nationaliste battue. Le signe de cette défaite est qu'en 1990 on se bat davantage dans les villages que dans la petite capitale Pristina, la révolte régresse vers la campagne. La dernière émeute (connue), les 22 et 23 mars 1990 dans la petite localité de Podujevo, est une fausse couche dont le burlesque trahit la résignation : sur la rumeur de l'empoisonnement de 419 lycéens (ces quatre cents coups sont restés une rumeur, à la honte des adultes qui les ont crus), les barricades de la psychose collective et de la solidarité qui se donne les ridicules de l'héroïsme se hérissent contre un occupant, désormais serbe avant d'être policier.

Le nationalisme albanais, cependant, n'aurait jamais pu s'imposer par ses propres forces. Il a bénéficié d'un nationalisme plus puissant, qui a bénéficié du sien, le nationalisme serbe, argument de la répression. Un brutal petit stalinien, Milosevic, construit alors sa carrière sur ce nationalisme serbe, qui l'amène à la présidence de la Serbie. En 1990, alors que ce Milosevic a supprimé l'autonomie à la Vojvodine et au Kosovo, c'est l'heure, dans les six Républiques, d'élections « démocratiques ». Pour battre Milosevic, l'opposition serbe se fait ultra-nationaliste. Et ainsi en va-t-il de même dans chacune des Républiques : ultranationalistes contre staliniens nationalistes, voilà des électeurs gâtés. Partout, les ultranationalistes l'emportent (les staliniens sont vraiment haïs), sauf dans le petit Monténégro et en Serbie, où Milosevic s'impose avec deux tiers des voix. En Slovénie et en Croatie, les ultranationalistes promettent la sécession et constituent des milices nationalistes que l'armée fédérale, inquiète de cette concurrence déloyale, tente de désarmer. Ainsi, à la dispute politicienne, staliniens contre ultranationalistes, se superpose l'indépendantisme des deux Républiques, catholiques et industrialisées, du Nord, qu'à Belgrade (capitale de la fédération et de la Serbie) on dénonce au nom du Sud orthodoxe ou musulman, et agraire, fort justement comme étant fascisant. Les milices paramilitaires sont aussi une réaction contre l'émeute. En effet, la jeunesse yougoslave vient de découvrir les joies du hooliganisme [note ?], dont la récupération s'organise ethniquement : les matchs Zagreb ou Split contre Belgrade sont le terrain de chasse des recruteurs, un peu effrayés tout de même, lorsque les bastons se terminent dans les pillages des centres-villes, ou lorsqu'elles mettent aux prises les supporters de deux équipes de Belgrade comme le 27 avril 1991, où elles se sont poursuivies dans les banlieues. D'autres manifestent également leur mécontentement contre ce qui se prépare : ce sont les ouvriers, dont au début de 1991 les grèves se multiplient. Et les députés serbes se souviennent certainement de leur terreur lorsque 2 000 à 3 000 gros-bras de Zemun (banlieue de Belgrade) sont venus crier sous leurs fenêtres, le 29 janvier 1991 : « Vous avez trahi les ouvriers. » En Yougoslavie, la fonction policière du nationalisme, récupérer la vigueur indépendante jusque dans la guerre indépendantiste, est exemplaire.

L'imbroglio nationaliste, dont le Kosovo avait constitué le hors-d'œuvre, a son plat de résistance en Croatie, où 15 % de la population est serbe. Ceux-là, aiguillonnés par l'annonce de l'indépendance croate, vont s'organiser à leur tour en milices serbes, proclamer autonomie, puis indépendance de minuscules unités administratives, comme la Krajina, ou la Slavonie. Le premier incident entre ces miliciens-là et la police croate, qui sera rapidement soutenue par les miliciens croates, a lieu à Pakrac, le 2 mars 1991, où, après qu'il y a eu plusieurs morts, l'armée fédérale s'interpose entre les combattants. 

Alors qu'on peut considérer le 2 mars comme le début de la guerre (le même jour commence l'insurrection en Irak !), le 9 est la dernière tentative de révolte ouverte pour une raison non nationaliste. L'opposition (le Mouvement du renouveau serbe) organise une manifestation interdite de 100 000 personnes dans Belgrade contre la mainmise de Milosevic sur l'information serbe. Les organisateurs sont débordés. Pillages et barricades révèlent et euphorisent toute une jeunesse de Belgrade qui n'est pas près d'oublier son mars 91. Par l'odeur alléchée, l'information occidentale entre massivement en Yougoslavie. Elle tente de transformer la place Teraziye en Tian'anmen, en place de l'Université. Le spectacle « démocratique » y est réchauffé, avec, dans le rôle du bon, l'ordure ultra-nationaliste Draskovic ; bons, mais un peu moins, les présidents ultra-nationalistes de Slovénie et de Croatie, Kucan et Tudjman ; bonne pâte utile, mais moins nombreuse et crédule qu'en Roumanie ou en Chine, le naïf arrivisme étudiant du cru ; et mauvais, très mauvais, le diable Milosevic. Cette kermesse idéologique a certainement contribué à accélérer la liquidation du mouvement qui n'a pas su la prendre pour cible. Et comme la critique du vilain « communiste » Milosevic impliquait d'applaudir les bons ultranationalistes, en gommant quelque peu leurs côtés fascisants (d'autres détails subirent également la gomme : ainsi, les 20 000 manifestants d'opposition du 27 mars paraissent infiniment plus nombreux que les 100 000 contre-manifestants pro-Milosevic du 28, à peine évoqués), l'ultranationalisme en Yougoslavie occupe maintenant les rails de la légitimité occidentale. Il était temps : le mars 91 de Belgrade a insinué aux dirigeants concernés que l'explosion de la Yougoslavie est inéluctable. Si elle n'est pas menée par eux sous des slogans nationalistes, elle sera menée contre eux, et Dieu seul sait sur quelles passions !

Alors qu'en avril les combats commencent véritablement en Croatie, une dernière émeute a lieu, le 6 mai, à Split. Là encore, les ouvriers, qui se seraient mobilisés parce que l'armée fédérale bloque un village croate pour protéger un village serbe, ou quelque chose de ce genre, attaquent la base navale : 1 soldat est tué. Mais c'est la police croate qui disperse violemment ces ouvriers croates qui ont visiblement débordés leurs syndicats croates, et qui ont donc livré à tous ces Croates en livrée, au fin fond de la Croatie, de véritables combats internationalistes.
 

b) Dans la guerre

La suite ne mérite pas d'être aussi détaillée. En juin et juillet, les affrontements qui s'intensifient au fur et à mesure se déplacent vers la Slovénie et la frontière autrichienne, et entre milices slovènes et armée fédérale. Celle-ci, finalement, cède sur toute la ligne, et se retire de Slovénie. Ceci a permis à la Yougoslavie de devenir un objet de discussions intéressées, de convoitise et d'interventions officielles pour la CEE, et bientôt l'ONU. De la Slovénie, les combats se déplacent vers la Croatie. Les milices croates font le blocus des casernes de l'armée fédérale, l'armée fédérale se range de plus en plus du côté des Serbes, dont les milices progressent à partir des régions serbes de Croatie. D'innombrables cessez-le-feu sont conclus et rompus, et les autres Républiques, épargnées par les affrontements sont peu à peu amenées à choisir leur camp.

De toutes façons, plus ces Etats vont vers l'indépendance, plus ils tombent dans une autre dépendance : l'information occidentale et les Etats de la CEE indiquent clairement quel camp il faut choisir. Sans ambiguïté, ils sont procroates. Si l'information démocratique a choisi un camp, c'est parce qu'ainsi on va choisir contre elle ou avec elle, mais pas contre les deux (là encore, ce type de choix ne se fait pas cyniquement, mais par entraînement, par inclination, au fur et à mesure). D'autre part, soutenir les Croates contre les Serbes, c'est soutenir le plus faible contre le plus fort, ce qui plaît en général aux spectateurs, mais surtout, c'est équilibrer cette guerre. Après la brillante démonstration du Golfe, il eût été tout à fait simple de mettre fin à la guerre yougoslave en quelques heures. Mais les intentions étaient tout autres : bien avant qu'elle paraisse même probable, depuis le début de 1991, l'information occidentale appelait littéralement cette guerre de ses vœux, dans un article sur deux. Tout d'abord le lobby des marchands d'armes souffre d'une pénurie de débouchés, depuis la fin de la guerre froide. Ensuite, le principal problème de l'Europe occidentale est d'éviter l'immigration massive d'Albanais. En effet, de Vladivostok à Pristina, les albanais (c'est-à-dire tous les gueux de l'Est) menacent d'avoir bientôt même le droit de vérifier de visu le bonheur et le confort des pauvres d'Occident. Comment les en empêcher sans leur tirer dessus (et il faut les en empêcher car ils sont le virus du chaos et des désorganisations, et il y a plus de risques de les voir imités par les pauvres d'Occident que des les voir imiter les pauvres d'Occident) ? Mais... en créant de petites guerres locales aux frontières de l'Europe occidentale. La Yougoslavie, jadis l'endroit le plus poreux entre l'Est et l'Ouest, grâce à cette guerre, est devenue le plus hermétique. Et sa guerre a l'avantage d'être entièrement contrôlée par l'Europe occidentale : point d'armes défendues ou inconnues qui risquent de faire du mal à d'innocents Occidentaux, point d'alliances possibles sans la médiation de cette Europe, point d'idées ou de propagande qui ne soient filtrées et censurées par l'information occidentale. Tant que la commande de température est à Bruxelles et à Strasbourg, pourquoi se priver de ce petit radiateur, parfaitement vidangé ?

La reconnaissance de la Slovénie et de la Croatie est la maîtrise maximum actuelle dont sont capables les Etats européens. En lui-même, cet acte est fort discutable et a été l'objet d'une lourde controverse. Il implique, en effet, que les membres d'une fédération d'Etats puissent se détacher de cette fédération : Ecossais, Catalans, Tyroliens, Bavarois, sans compter peut-être même les Corses – et que dire des Texans, Californiens ou Québécois ? –, peuvent y voir un précédent. Mais c'est le gouvernement de l'Allemagne, elle-même un Etat fédéral mais retapissé lors de la récente unification, qui a fait le forcing pour cette reconnaissance. Il y a aussi une contradiction à refuser aux Serbes minoritaires de Croatie de se réunir avec la Serbie, quand, dans le Caucase, si l'on ne se tient pas dans une suspecte neutralité, on reconnaît généralement à l'Arménie tous les droits sur le Karabakh, peuplé majoritairement de ce que les ethnologues appellent des Arméniens, alors qu'administrativement cette province appartient à l'Azerbaïdjan depuis plus longtemps que la Krajina à la Croatie. Mais ici, l'information spécule sur l'ignorance et sa capacité à émouvoir selon d'effrayants critères : les Croates catholiques sont plus proches de notre connerie que les Serbes orthodoxes ; de même, les Arméniens chrétiens sont nos frères de sang face aux musulmans azéris. Une autre contradiction a été fort peu relevée : les Serbes soutiennent l'autonomie des Serbes de Croatie, mais interdisent celle des Albanais du Kosovo. En effet, les Etats occidentaux ne veulent pas d'un Kosovo indépendant, encore moins rattaché à l'Albanie. L'Albanie est tout ce qui fait peur. Et le nationalisme et l'indépendantisme perdent leur crédibilité idéologique s'ils deviennent illimités, comme l'exige leur concept s'il est poussé jusqu'au bout de sa logique : on pourrait également produire des divisions ethniques entre Croates, puis des sous-divisions de ces sous-divisions. Or la fonction policière de la division de la Yougoslavie trouve son efficacité (du moins c'est ce qu'espèrent ses promoteurs) avec cinq ou six Etats, mais la reperd avec quinze ou vingt. C'est pourquoi l'arbitre européen du démantèlement yougoslave a choisi de le limiter aux frontières administratives de l'ex-Etat stalinien.

La guerre de Yougoslavie est d'une importance hors de proportion à ces dégâts pour les dirigeants de ce monde. Aux portes de l'Europe, elle comporte pour eux autant de risques que d'enseignements. Elle sert de laboratoire à l'URSS. C'est sous ces éprouvettes que ces dirigeants apprennent à diviser les pauvres par nationalités, par ethnies, et qu'ils mesurent, graphiquement, leur résistance. C'est dans la comptabilité des massacres serbo-croates que se pèse l'opportunité de bloquer ce monde, oh ! si libre, par des guerres, une au Caucase (le Karabakh ; la Géorgie aussi pourrait être utilisable, armée judicieusement), une en réserve de la Yougoslavie (la Moldavie) et une peut-être à fomenter à la frontière nord-est, pourquoi pas dans les Etats baltes, Kaliningrad, la Pologne ou la Biélorussie ? Il commence ainsi à s'esquisser ce monde vu d'Europe : l'Afrique, c'est l'horreur. Elle coûte cher, et elle ne rapporte plus rien, que des palabres et des émeutes. Les jeunes, pauvres, s'y révoltent sans mesure et sans respect. Il faut se protéger de ces furieux, ça n'a pas de sens d'essayer de les raisonner. Les Etats islamiques, le repoussoir idéologique actuel de ce qui est bien-pensant dans ce qui domine ce monde, voilà un barrage tout indiqué. Ainsi ressuscite la dualité idéologique de laquelle nos dirigeants sont dans un manque stupéfiant, mais avec l'avantage insigne que dans cette dualité-ci il y a le même déséquilibre entre les deux camps que ce qu'a montré la guerre du Golfe. Mais, pour cela, il faudrait que cette unité islamique se fasse, et les Etats du sud de l'Europe, qui se retrouveraient en première ligne, y rechignent. Un homme d'Etat occidental avisé, pas besoin d'être même un Bismarck, soutiendrait le FIS en Algérie, rappellerait que l'Albanie est musulmane, prônerait un Etat pour les Palestiniens et soutiendrait les islamistes en Ouzbékistan. Une ceinture islamique forte est un rempart efficace, et un adversaire faible. A l'intérieur de cette protection paratonnerre, l'Europe occidentale pourrait restaurer le village médiéval : à l'ouest de l'ex-rideau de fer, la citadelle, à l'est, la poubelle, le servage. Cette géopolitique eurocentrique s'étend facilement au reste du monde : la Chine et l'Inde (après avoir été bombardées derniers grands empires coloniaux) pourraient être morcelées comme l'URSS, le Japon et l'Australie ainsi protégés, le premier par une Mandchourie, le second par des bouts d'Indonésie islamisés ; en Amérique, Cuba et les Caraïbes feront d'excellents vide-ordures, tandis que l'Etat mexicain, qu'un mur commence à séparer du Texas, joue déjà, et gracieusement, le rôle du tampon. A partir des nouvelles bananeraies d'Amérique centrale jusqu'aux émeutiers affamés de Buenos Aires, c'est l'Afrique.

L'Europe se retranche (Etats-Unis, Japon, Océanie font partie de ce que nous appelons Europe). Ses dirigeants tentent de propager une identité commune, défensive, où domine la culpabilité d'être riche. Les pauvres d'Europe sont divisés entre ceux qui se laissent convier à cette complicité et ceux qui transforment les banlieues en no-go areas. Un monde construit ainsi gagnerait, à ceux qui veulent conserver sa citadelle, quelques dizaines d'années de répit, non sans un nombre croissant de guerres yougoslaves. C'est donc en Yougoslavie qu'est actuellement combattue cette conception. En effet, si personne ne s'est étonné de ce que les milices serbes et croates ne manquent jamais de munitions, c'est l'armée yougoslave qui alerta les marchands de canons et les géopoliticiens européens d'une pénurie inattendue : le 11 décembre, elle annonçait que 10 000 réservistes avaient refusé la mobilisation. Ceci explique d'abord pourquoi elle accepte la médiation de Casques bleus (qui, puisqu'ils ne peuvent se déployer qu'entre Etats, équivaut à reconnaître la Croatie en tant qu'Etat, en échange de l'espoir de récupérer pour la Serbie les zones conquises militairement en Croatie) ; ensuite, ceux qui le 9 mars pillaient dans le centre de Belgrade désertent massivement la guerre interethnique imposée par l'Europe, six mois plus tard. Et si la propagande occidentale prête sa voix à ces foules d'opposants à la guerre, ce n'est pas parce qu'elle y serait soudain hostile, ce n'est encore que pour montrer que les Serbes ont tort, car elle ne dit rien sur l'étendue des désertions en Croatie, comme s'il n'y en avait pas. Ceux du public occidental qui ne veulent pas se retrouver simples soldats à monter la garde de la citadelle des gestionnaires occidentaux feraient bien d'émerger de leur ignorante stupeur, et de soutenir activement ces menaces de mutineries, même si elles aboutissent à une véritable guerre civile, où seront combattus tous les uniformes, stalinien, ultra-nationaliste, journaliste, mais qui permettrait aux albanais de nous communiquer leur vigueur individuelle et collective.


 

(Extrait du bulletin n° 4 de la Bibliothèque des Emeutes, texte de 1992.)


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