Correspondance avec le GCI


 

f) GCI à la Bibliothèque des Emeutes


 

3 août 1992


 

Dans votre lettre en date du 19-02-1992, en réponse à notre première lettre, vous écriviez:

"Quoique nous n'ayons pas trouvé voire lettre très critique, nous vous en remercions ... etc.".

Dans votre lettre en date du 8-05-1992, et qui répondait à une deuxième correspondance de notre part, beaucoup plus explicite dans ses critiques envers vous, mais où nous vous demandions également une série de précisions sur votre démarche, vous écrivez maintenant:

"Merci de ne pas nous répondre, si c'est sur le mode du ronron suffisant et avec la négligence, autant dans la forme que dans le contenu, qui situent votre précédente lettre au bord de l'insulte".

Vous feignez d'abord être disposés à un échange critique -ce qui est une belle façon de jouer le spectacle de l'ouverture à peu de frais!-, pour vous encourir ensuite face aux premières questions posées. C'est pour le moins contradictoire. Pauvres bibliothécaires! Votre compréhension de la critique n'a pas dépassé celle de ce professeur plein d'ouverture, qui laisse de temps en temps la possibilité à ses élèves de "dire vraiment ce qu'ils pensent"... tant qu'ils restent d'accord que c'est bien lui le prof!

Car c'est bien là votre démarche: vous qualifiez maintenant "d'insultant" (nous cherchons encore dans notre lettre où, et à quel moment, nous aurions assimilé -telle votre identification de "communiste" à "khmers rouges"! votre "démocratisme" pourtant lourd, à la terreur Thatchérienne, par exemple), ce que vous appeliez de vos voeux "favoriser l'expression du désaccord". Si pour nous, "désaccord" ne rime pas avec "insulte", "bibliothécaire" semble en tout cas rimer chez vous avec "sectaire"!

Nous ne pensons pas -au vu de la faiblesse de votre réponse- qu'il vous sera possible de dépasser vos réflexes sectaires et votre nombrilisme, mais nous vous adressons néanmoins ce nouveau courrier dans le but de clarifier davantage encore nos désaccords, et pousser plus loin la critique de votre démarche.

Si cela pouvait au moins vous amener à tenter d'assumer un début d'argumentation politique en lieu et place des quelques petits coups portés sur le terrain de l'insulte (1), cette arme des faibles dont vous vous servez pour mieux protéger votre méconnaissance totale du mouvement communiste, nous aurions au moins avancé d'un pas.
 

***

 

"PROGRESSION VERS L'ORIGINE"

Vous nous demandez:

"Vous, qui semblez à l'opposé de cette façon d'agir, espérez-vous seulement un jour critiquer, voire dépasser Marx? Votre exigence minimum n'est-elle pas d'être au moins l'égal de quelqu'un qui a tracé des perspectives sans pouvoir les remplir? Vos publications se font davantage les défenseurs de la lettre que les utilisateurs de la méthode, et c'est lorsque la défense de la lettre s'oppose à l'utilisation de la méthode que nous pensons que le Marxisme s'oppose à Marx et à nous."

Il y a des bibliothèques entières remplies de livres de commentaires et de critique de Marx, il y a des dizaines de milliers d'universitaires et de chercheurs qui sont payés par l'Etat pour falsifier, disséquer, critiquer les contributions de Marx. Le problème n'est pas en soi de critiquer Marx, ou de le dépasser - à moins que l'on ne le considère comme un surhomme.

Les lecteurs attentifs de nos revues savent que nous manions l'arme de la critique à l'encontre de nous-mêmes comme nous l'utilisons - en tant qu'arme de centralisation internationaliste, car c'est là notre objectif! - vis-à-vis de toutes les contributions de notre classe, où les apports de Marx et d'Engels occupent une place irremplaçable.

Nous sommes étonnés que vous formuliez une telle exigence (égaler, voire dépasser Marx), alors que par ailleurs vous négligez les apports de Marx en les réduisant apparemment - en ce qui concerne ses contributions fondamentales de la critique de l'économie politique, la critique du travail et de la marchandise, oeuvre de sa vie - à de l'économisme, à une autre théorie économique. Les apports de Marx dans ce domaine sont incontournables et on ne peut rejeter ses apports sans une argumentation approfondie, sans en fournir une analyse critique.

Mais ces apports de Marx (comme des autres militants de notre classe) ne peuvent être correctement évalués, assimilés (leur restituant leur pleine validité - forces et faiblesses, avancées et limites) qu'en gardant clairement à l'esprit que la critique de l'économie est l'oeuvre du prolétariat révolutionnaire et que seul son Parti, le Parti historique (qui naît spontanément du sol de la société moderne et ne saurait être assimilé et réduit à telle ou telle association volontaire d'un groupe d'hommes) est en mesure de REALISER cette critique. Marx lui-même a plusieurs fois mis en lumière que les thèses principales du mouvement pratique de critique de la société existante, de critique de l'économie, ne sont d'aucune manière le résultat de principes découverts par tel ou tel réformateur du monde, mais le résultat d'un mouvement réel: la lutte du prolétariat pour l'abolition du travail salarié; que ceci est une oeuvre historique et collective et que par conséquent, les contributions à la critique de l'économie politique les plus importantes qu'ont réalisées tel ou tel homme à un moment donné, consistent principalement en la systématisation théorique de cette critique qui, simultanément, la dépasse et l'inclut, mais qui se développe comme pratique sociale globale de la lutte prolétarienne; que cette oeuvre de systématisation théorique se trouve par conséquent dénaturée quand elle est conçue comme création personnelle, et qu'elle doit être comprise pour ce qu'elle est, une oeuvre de Parti bien plus importante que le fait d'être la contribution de telle ou telle personne.

Quand vous écrivez que "c'est en novateur de son temps que Marx a révélé le passé, et non en gardien du passé qu'il a expliqué son époque", vous n'expliquez rien! En quoi et pourquoi Marx a-t'il pu être "novateur de son temps"? Et d'abord, Marx n'est pas "novateur" (mais quelle hystérie bien de notre temps que de courir après des "innovations", après de la "modernité", du "neuf", ... !). La force de la critique de Marx réside non pas dans ses innovations, mais dans sa capacité à révéler la racine de la critique de la société existante, et il a su faire ceci, d'une part parce qu'il donnait ainsi son expression théorique à un mouvement qui dans la pratique se manifestait de façon de plus en plus radicale, et d'autre part parce qu'il a su rompre - sous l'impulsion du mouvement communiste qui était en ébullition - avec toutes les représentations dominantes, en les soumettant au feu de la critique théorico-pratique et en y opposant la conception totalisante du but et des moyens du mouvement communiste.

C'est "seulement" pour ces raisons que le militant Marx a son importance dans le mouvement communiste, c'est ainsi qu'il a été "gagné" au communisme, alors que pour d'autres "novateurs" de son époque, les Proudhon, les Stirner, ...

Si vous revendiquez la même approche, l'utilisation de la même méthode critique de Marx, alors vous devez sûrement aussi être en règle avec les affirmations suivantes de Marx:

"Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas arbitrairement, dans les conditions choisies par eux, mais dans des conditions directement données et héritées du passé. La tradition de toutes les générations mortes pèse d'un poids très lourd sur le cerveau des vivants."

"La révolution sociale du XIXème siècle ne peut pas tirer sa poésie du passé, mais seulement de l'avenir. Elle ne peut pas commencer avec elle-même avant d'avoir liquidé complètement toute superstition à l'égard du passé. Les révolutions antérieures avaient besoin de réminiscences historiques pour se dissimuler à elles-mêmes leur propre contenu. La révolution du XIXème siècle doit laisser les morts enterrer leurs morts pour réaliser son propre objet. Autrefois, la phrase débordait le contenu, maintenant, c'est le contenu qui déborde la phrase."

"Les révolutions bourgeoises, comme celles du XVIIIème siècle, se précipitent rapidement de succès en succès, leurs effets dramatiques se surpassent, les hommes et les choses semblent être pris dans des feux de diamants, l'enthousiasme extatique est l'état permanent de la société, mais elles sont de courte durée. Rapidement, elles atteignent leur point culminant, et un long malaise s'empare de la société avant qu'elle ait appris à s'approprier d'une façon calme et posée les résultats de sa période orageuse. Les révolutions prolétariennes, par contre, comme celles du XIXème siècle, se critiquent elles-mêmes constamment, interrompent à chaque instant leur propre cours, reviennent sur ce qui semble déjà accompli pour le recommencer à nouveau, raillent impitoyablement les hésitations, les faiblesses et les misères de leurs premières tentatives, paraissent n'abattre leur adversaire que pour lui permettre de puiser de nouvelles forces de la terre et se redresser à nouveau formidable en face d'elles, reculent constamment à nouveau devant l'immensité infinie de leurs propres buts, jusqu'à ce que soit créée enfin la situation qui rende impossible tout retour en arrière, et que les circonstances elles-mêmes crient. Hic Rhodus, hic salta!"

(Marx -"Le 18 Brumaire")

Ces passages donnent une description très dialectique des obstacles, illusions, faux amis ... que le prolétariat doit vaincre s'il veut pouvoir triompher. Pour cela il est indispensable de s'atteler à la critique du passé, pour ces raisons nous rejetons les modernistes qui font table rase du passé afin de mieux nous vendre leur camelote idéologique avec leurs "nouvelles analyses" du temps présent. Quand vous écrivez: "Quelles que soient vos "luttes", que vous nous pardonnerez de trouver quelque peu obscures, pour défendre l'acquis dans le mouvement communiste, ce sont les émeutiers modernes qui se révoltent aujourd'hui", vous préférez sciemment opposer entre eux ces différentes expressions d'un même mouvement. Et quand vous rajoutez: "et ils se révoltent aussi contre le passé d'échec de leurs ancêtres prolétariens", vous expédiez un peu vite les expériences cumulées de ces générations de prolétaires qui nous ont précédées.

Vous ne comprenez pas de quels acquis nous voulons parler? Dans notre lettre nous écrivions:

"Le "Marxisme" même, comme oeuvre de falsification de l'histoire de la lutte communiste, n'a pu accomplir cette besogne qu'en plaidant sans arrêt en faveur de l'existence de "nouvelles données", et pour ainsi, sournoisement, insidieusement travestir, déformer ce que le prolétariat révolutionnaire avait durement acquis comme leçons de ses luttes (p.e. sur le parlementarisme, le syndicalisme, le réformisme, la terreur révolutionnaire, ... )."

Voilà donc le type d'acquis dont nous voulons parler. Nous pourrions y rajouter bien d'autres éléments, entre autre, sur le rôle du centrisme, contre le frontisme, contre le gestionnisme, contre le pacifisme, ...

Il est désolant - pour vous-mêmes surtout - de penser que vous puissiez assimiler ceci à "la défense par les petits rentiers de leurs pavillons de banlieue". Par ailleurs, nous précisions également dans notre lettre que des "nouveaux apports", des "nouvelles analyses" sont nécessaires qui permettent de mieux concrétiser encore le programme communiste ... sur base de la critique du passé, sur base d'un bilan de l'expérience historique du prolétariat révolutionnaire ... et ceci nous le précisions contre les démarches novatrices qui en guise de lutte contre les illusions du passé, en guise d'oeuvre de "liquidation complète de toute superstition à l'égard du passé" se contentent de carrément liquider le passé! (2)

"Obscures", les luttes en Birmanie, en Algérie, au Venezuela, en Chine, en Roumanie, en Iran? Permettez-nous de trouver obscure plutôt votre "émeutologie", votre obstination à ne vouloir parler que d'émeutes là où le prolétariat a engagé des luttes héroïques contre la bête capitaliste, des luttes qui en radicalité, en profondeur, en durée, en associationnisme ... dépassent de loin les simples escarmouches que croit y voir l'observateur superficiel. Ceci est vrai pour les luttes les plus marquantes de ces dernières années, c'est à dire la Birmanie, l'Afrique du Sud, l'Iran et récemment l'Iraq. D'autres nombreuses luttes sont restées plus isolées, plus limitées, comme en Roumanie, en Algérie ou au Venezuela.

Vous vous obstinez à vouloir opposer "émeute" et "lutte" en suggérant qu'ils n'y existeraient plus de luttes aujourd'hui, à part celles "articulées autour de l'émeute". Veuillez entendre que l'émeute est une lutte (et comme toute lutte spontanée intègre des moments de préparation, d'organisation, de militance comme nous l'écrivions dans notre précédente lettre) et que les luttes englobent l'émeute. Que la lutte prenne telle ou telle forme n'est guère important (suivant les situations concrètes, les luttes s'exprimeront de façon très variées!), mais ce qui est essentiel, ce sont le contenu et les potentialités qui s'expriment dans cette lutte. Ainsi, les émeutes expriment souvent un contenu très riche, radical, qui, comme nous l'avons déjà affirmé, ne peut pas être séparé des autres aspects de la lutte plus en général, à savoir, la préparation, l'organisation, la direction, la généralisation, ... Et en même temps, les émeutes sont aussi des moments où justement les facteurs de centralisation, de préparation, d'associationnisme ... sont en général trop faiblement présents et restent difficiles à concrétiser et ceci contribue bien souvent à leur défaite.

Pour expliciter: "vos" émeutes modernes d'Irak, de Somalie et dAfrique du Sud, ne sont "rien d'autre" que des luttes prolétariennes pour nous!

Nous sommes donc plutôt en accord avec votre relativisation des émeutes quand vous affirmez:

"Nous ne pensons pas que l'émeute soit le nec plus ultra, au contraire. L'émeute est le sine qua non. Toute émeute moderne est un début d'offensive. Toute offensive modeme passe par l'émeute, comme la flamme par l'étincelle L'émeute, nous l'avons dit, est toujours insuffisante."

Mais la confusion demeure dans la mesure où par ailleurs vous opposez "luttes" et "émeutes". Comment appelez-vous alors une offensive moderne généralisée? Et pourquoi opposer les émeutes modernes aux émeutes qui ont secoué la société dans le passé?

Parmi les nouveautés qui caractérisent les "émeutes modernes", vous citez:

- rien n'y est jamais acquis;

- l'absence d'organisation (ce qui constitue une faiblesse et une force);

- leur quantité et leur similitude, dans les formes et les cibles (leur unité est en acte);

- l'âge des révoltés, bas et uniforme.

Le seul type d'acquis dont nous parlons étant les leçons que notre Parti (3) tire des luttes du passé et ceci étant intimement et directement lié à l'acquis d'une "union de plus en plus large des prolétaires", votre "rien n'y est jamais acquis" devient absurde. Condamnés à rester à tout jamais isolés les émeutiers de Los Angeles, condamnés à toujours recommencer les mêmes erreurs, à toujours reproduire les mêmes faiblesses, les militants de notre Parti en Afrique du Sud? Evidemment non, dans la mesure où chacun cherche (et collectivement nous cherchons encore davantage) à être avare de notre sang et à ne le répandre que là où il donnera plus de force à notre projet commun!

L'absence d'organisation: nous avons déjà nous mêmes mentionner cet aspect (il serait plus clair de parler de faiblesses d'organisation), mais nous en soulignons toujours le contenu contradictoire: d'une part l'aspect du refus de toute tentative de récupération de type syndicaliste, politicienne, rackets divers, ... et d'autre part l'aspect du rejet de la nécessaire centralisation de ces luttes, de l'associationnisme.

Nous avons l'impression que pour vous ces deux aspects se confondent dans une justification du rejet de tout centralisme (4). Il est vrai que la déconsidération généralement répandue aujourd'hui vis-à-vis des partis politiques, vis-à-vis des syndicats, ... constitue en quelque sorte une nouveauté par rapport à par exemple la période '17 - '23 quand les organisations de la social-démocratie avaient pignon sur rue et que beaucoup d'organisations prolétariennes agissaient, enfermées dans le sillage de la politique et des conceptions social-démocrates.

Leur quantité, leur similitude: toute vague de lutte importante est caractérisée par une généralisation des luttes, ce qui, encore une fois, ne comprend pas seulement la généralisation des émeutes, mais encore des sabotages de toute sorte, des actions de représailles, des grèves, de l'insoumission, des journaux et pamphlets subversifs, de l'associationnisme ouvrier (sinon, comment envisager la généralisation et la centralisation de ces luttes, comment envisager la prise en main et la direction par le prolétariat de ses luttes!). Aujourd'hui nous nous trouvons loin d'une telle situation, malgré les luttes significatives en Iran, en Afrique du Sud, en Birmanie ou encore récemment, en Iraq (dans notre appréciation, nous nous référons ici à la généralisation de telles luttes).

La période actuelle est plutôt marquée par l'absence de riposte prolétarienne, dans ce sens-là ... et la multiplication des émeutes que vous relevez (avec son élément de faiblesse exprimé par la faiblesses d'organisation de ces émeutes) constitue également un révélateur de cette situation. Ces émeutes retombent généralement "comme un soufflé": ...combien de temps avant qu'une émeute comme celle de Los Angeles se reproduise et se dépasse? ...quelles forces, après la défaite de l'émeute, continuent à résister à la répression, à travailler à tirer les leçons de ces émeutes, à contacter d'autres noyaux de prolétaires combatifs dans d'autres villes et sur d'autres continents?

Par ailleurs, nous pensons qu'il est abusif de parler de la similitude des émeutes, de leur similitude dans les formes et les cibles. Les formes nous semblent être très disparates, mais cela ne nous surprend nullement et cela constitue plutôt une richesse. Dans les cibles, oui, nous relevons que souvent se sont directement toutes les représentations de l'Etat qui sont attaquées par les émeutiers, les sièges des partis, des syndicats, les magasins de stockage, ... mais là encore nous devons relativiser l'importance de cette caractéristique car d'une part nous ne devons pas confondre l'attaque des bâtiments, des représentations, des représentants de l'Etat, tout aussi cruciales qu'elles soient, avec la destruction de l'Etat (ce qui suppose au moins un dépassement de l'émeute), et aussi parce que nous constatons également une multiplication des "mauvaises" émeutes, comme vous les nommez, c'est-à-dire les émeutes qui ne portent pas de perspectives révolutionnaires, mais réactionnaires, comme les émeutes prenant pour cible tel ou tel catégorie de prolétaires!

Finalement, en ce qui concerne le bas âge des émeutiers, "avec leurs excellentes mémoires et leur imagination", permettez-nous ici encore de relativiser et la portée de ceci, et son importance: ne croyez-vous donc pas que c'est la révolution, la perspective d'en finir avec l'esclavage et la marchandise, qui libère les consciences, développe les mémoires, fait exploser l'imagination et donne la vigueur aux vieux comme aux jeunes! Bref, c'est le mouvement communiste qui fait se constituer en force centralisée et internationaliste le prolétariat, avec toute sa ferveur, toute sa richesse, toutes ses composantes! Et vous voulez, vous aussi, théoriser une séparation supplémentaire entre jeunes et vieux prolétaires?
 

***

 

"OFFENSIVE ET DEFENSIVE"

Ici encore, vous jouez abusivement avec la dialectique et vous retombez dans la logique formelle. Ignoreriez-vous, en bon dialecticiens, que l'offensive contient la défensive, et que la défensive appelle l'offensive? Vous raisonnez comme suite:

l'Etat défend la société existante;

donc la défense est l'attitude ennemie;

donc celui qui défend est ennemi.

Et votre conclusion logique est que la BdE doit soutenir (en la révélant) l'offensive.

Lorsque vous donnez en exemple le syndicalisme, vous "oubliez" que ce qui détermine le syndicalisme (et depuis ses origines) à se situer clairement depuis toujours à l'opposé des intérêts prolétariens, c'est sa fonction particulière, au sein de l'Etat et en complémentarité avec la social-démocratie, de combattre le mouvement communiste, de l'éradiquer. Cela n'a fondamentalement rien à voir avec le fait de prendre une position ou d'avoir une pratique d'offensive ou de défensive (tant il est faux d'opposer ces deux aspects d'une même pratique sociale, ou de les séparer du projet social qu'elles soutiennent!).

Lorsque vous insinuez que le syndicalisme, c'est la conservation de "notre existence", (voire de notre projet! (sic)) vous ne faites que conforter ce que les syndicalistes disent d'eux-mêmes. Le syndicalisme, ce sont les attaques contre le prolétariat, contre ses luttes, contre ses conditions de vie et de survie, contre son existence! Faut-il rappeler, comme preuve la plus probante, que le syndicalisme fut un facteur essentiel de l'embrigadement des prolétaires pour les envoyer se faire tuer sur les champs de bataille, au point où les syndicats assumaient et organisaient l'envoi en première ligne de tous les opposants au syndicalisme et à la guerre. Insinuer le contraire, c'est cautionner l'idéologie dominante, l'idéologie social-démocrate (qui prétend que les syndicats sont les défenseurs de la classe ouvrière, défenseurs des travailleurs dans la vente de leur force de travail), et par là même, c'est aussi renforcer cette pratique.

De quelle offensive voulez-vous parler? De l'offensive contre la vieille société, pour ériger et vivre d'autres rapports sociaux? Cette "offensive" là est nôtre, mais parce que la vieille société nous détruit, parce qu'elle nous empêche de vivre des rapports sociaux communautaires, humains, parce qu'elle nous impose des rapports sociaux mercantiles, réifiés, non-humains!

L'assaut prolétarien contre la vieille société n'est donc "que" l'expression de la négation de ce qui nous nie, de ce qui nie nos vies en tant qu'êtres humains, génériques. Et le devenir des nouveaux rapports sociaux communistes, de la Gemeinwesen de l'homme, n'est lui même "que" le devenir et l'achèvement (fin de la préhistoire de l'homme, début de l'histoire consciente de l'homme) de cette même négation positive à l'oeuvre contre tout ce qui nous gardera encore prisonnier des résidus des sociétés de classes (tant il est vrai que la négation que constitue le mouvement communiste de tous les aspects de la domination marchande contient toutes les déterminations non seulement du mouvement présent mais encore de la société à venir.)

Sur cette question, comme sur la question de la "nouveauté", vous cédez à une confusion, une confusion de termes et surtout une confusion de niveau d'abstraction, entre les niveaux plus immédiats et le niveau historique. Il est clair que chaque moment du mouvement, social et physique, peut être défini comme la négation/dépassement du moment antérieur. Sur le plan immédiat, il y a donc une infinité de négations successives (nous situons vos "nouveautés" au sujet de l'âge des émeutiers, des formes de lutte (l'émeute), quantité et similitude, ... uniquement à ce niveau-là!) à l'oeuvre dans chaque mouvement, à chaque moment. Mais dans la dynamique d'ensemble, historique, où l'on constate la transformation d'un état antérieur en un état différent, ce qui constitue par conséquent une négation de ce qui le précède, de cet état antérieur (par exemple par le mouvement de transformation d'un saut de quantité en saut de qualité), on ne se réfère plus aux multiples négations successives, mais à leur résultat, à l'opposition qui en résulte (et qui lui même ne peut pas être séparé, pris en soi, coupé de la globalité du mouvement de la vie, sous peine de le dénaturer). A ce niveau, nous ne parlons pas des multiples négations successives, ici nous parlons de rupture, de négation, d'abolition de changement de l'essence de ce mouvement! C'est à ce niveau d'abstraction là, à ce niveau de la totalité que nous affirmons que le capitalisme aujourd'hui ne contient aucune nouveauté fondamentale par rapport à ses déterminations essentielles d'il y a quelques siècles ou plus (5). Cette affirmation à ce niveau d'abstraction historique n'est donc nullement en contradiction avec l'analyse qui définit les multiples oppositions/négations qui en permanence agitent le capital et le poussent à son développement toujours plus catastrophique.

De la même façon, à ce niveau d'abstraction de la totalité, nous affirmons que le communisme ne contient et ne révèle aucune nouveauté par rapport à ses déterminations d'il y a quelques siècles ou plus, ou par rapport à son devenir! Ici encore, ce n'est pas pour nier qu'il y a des nombreuses oppositions/négations à l'oeuvre en permanence au sein de ce mouvement (qui se situent toutes comme des réponses positives permanentes de négation du mouvement de la valeur), comme il y a par exemple, une négation/dépassement, par le mouvement du prolétariat, des luttes des classes exploitées du passé, et, autre exemple, comme il y a une négation/dépassement de la communauté communiste primitive du point de vue du mouvement communiste. Mais notre souci est de mettre en lumière, à ce niveau d'abstraction, l'identité des déterminations historico-sociales qui modèlent le mouvement communiste à travers l'histoire, jusqu'à l'avènement de la société communiste, négation/dépassement et réalisation de l'arc historique qui la relie au communisme primitif et à toute la préhistoire de l'humanité. Pour comprendre cette démarche, il est fondamental de tenir à l'esprit que si le capital est un être étranger à l'homme, c'est aussi un produit de l'homme!

D'autre part, si effectivement "l'anatomie de l'homme est une clef pour l'anatomie du singe" et si "dans les espèces animales inférieures, on ne peut comprendre les signes annonciateurs d'une forme supérieure que lorsque la forme supérieure est elle-même déjà connue" comme Marx l'indique dans son Introduction à la Critique de l'Economie Politique, il ne faut pas négliger ce qu'il précise quelques lignes plus loin, à savoir que

"ce que l'on appelle développement historique repose somme toute sur le fait que la dernière forme considère les formes passées comme des étapes menant à son propre degré de développement, et, comme elle est rarement capable, et ceci seulement dans des conditions bien déterminées, de faire sa propre critique, elle les conçoit toujours sous un aspect unilatéral."

Ainsi, lorsque vous reprenez à votre compte la "démarche" de Marx, sa méthode conceptuelle, vous allez un peu vite en besogne. Certes, pour le matérialisme dialectique la clé du singe est dans l'homme, et non pas l'inverse, mais il ne suffit pas d'affirmer cette simple phrase et de l'appliquer mécaniquement, dans chaque situation immédiate, suivant en cela la méthodologie scientiste avec ses raisonnements logico-formels.

Au regard de cette précision, et au regard de ce que nous écrivions ci-dessus par rapport aux déterminations historico-sociales du communisme qui restent fondamentalement (dans leur essence) inchangées dans l'espace/temps (hier-aujourd'hui-demain), votre prétention à décréter la "nouveauté" des émeutes modernes et à rejeter dans un même élan et sans autre critique approfondie les acquis et leçons des luttes passées ("Ils se révoltent contre le passé d'échecs de leurs ancêtres prolétariens." ... "Nous tenons pour acquis qu'ils critiquent tout emplacement acquis."), relève pour nous plus d'une innovation moderniste, à la mode, que d'un réel souci d'éclairer, en les révélant, les conditions de lutte du prolétariat dans la situation actuelle.

Votre négation de la société actuelle devient ainsi rien d'autre qu'une négation idéelle, idéaliste. Votre démarche idéaliste vous fait retomber dans le plus pur positivisme qui définit les choses par la négation simple de leur opposé, par le simple anti- (cf vos précisions sur le vocabulaire: "Ils semblent même agir comme si le vocabulaire tout en mots de leurs ennemis ne puisse que leur nuire, à eux, qui s'expriment d'abord avec des cris et des coups."). Et ceci faute d'une critique radicale, saisissant la misère des hommes à la racine afin de l'éradiquer pratiquement, dans le domaine du monde matériel, dans le domaine de la production matérielle par les hommes de leur société, de leur nature, de leurs vies!
 

***

 

"LA DICTATURE DE LA SURVIE"

Comme pour le point ci-dessus, votre critique ne porte jamais sur ce qui se produit réellement, sur ce qui existe dans la réalité matérielle, mais elle porte toujours (et nous commençons à croire qu'elle porte exclusivement) sur certaines des croyances les plus en cours dans l'opinion publique.

C'est d'ailleurs, à notre avis, une déviation inévitable pour la BdE puisqu'en ce qui concerne ses sources d'informations, elle choisit de refuser les apports subjectifs et passionnés de nos frères de classe qui, dans leur situation immédiate, affrontent directement la vieille société, pour y préférer les informations "facilement décodables" de la presse aux ordres des faiseurs d'opinion publique.

Ainsi, vous ne faites pas la critique du syndicalisme, mais par contre, vous argumentez que le syndicalisme, tout au long du siècle, n'a pas permis au prolétariat de conserver "son existence", voire "son projet", car le syndicalisme se situe "sur le terrain de la conservation et pas sur le terrain de l'offensive"!

La même légèreté caractérise votre argumentation sur l'économie, sur les besoins et sur le contenu de la société communiste. Vous ne critiquez point la société avec ses fondements historiques, mais vous critiquez quelques-unes des légendes qui ont cours sur cette société. Par exemple, nous avons déjà fermement nié, dans notre lettre du 19 avril, que la société soit organisée autour du besoin alimentaire. En réalité, la société capitaliste est organisée autour des besoins de valorisation du capital, et ses besoins sont ANTAGONIQUES avec les besoins humains les plus élémentaires. Nous n'aurons pas l'indécence de vous suggérer d'aller vérifier de la véracité de cette réalité matérielle auprès des millions d'hommes qui chaque année sont sacrifiés par le Capital sur l'autel de la Valeur!

De la même façon, vous prétendez critiquer Marx dans la mesure où celui-ci n'aurait critiqué l'économie politique que du point de vue de l'économie politique. Mais dans votre lettre du 8 mai, vous écrivez maintenant clairement que toutes ces bases matérielles sur lesquelles s'est érigé l'économie et qui fondent les sociétés de classe, ne sont que des pensées, des concepts religieux, "une théorie","une religion", "au sens que Marx donne au terme 'religion'".

Vous nous dites:

"Ce que vous appelez 'valeur, 'production', etc. sont des concepts de l'économie, des concepts religieux, sont des concepts de la survie" ... "Toute leur pratique (des économistes) s'effondrerait, s'il s'avérait que la "condition naturelle de l'espèce humaine (lutter pour s'approprier ses besoins) n'est qu'une théorie, depuis longtemps invalidée, de l'espèce humaine sur elle-même".

Nous aimerions d'ailleurs apprendre quand et comment cette "théorie" a été invalidée!. C'est-à-dire que vous vous considérez donc comme des idéalistes, comme des personnes pour qui ce sont les idées qui constituent le mobile, le moteur de l'activité des hommes. Si vous avez faim et que vous mettez des légumes à cuire, c'est parce que vous pensez avoir faim. Si les hommes se lèvent à 6 heures du matin pour aller au chagrin, se débarrassent de leur prole pour aller la récupérer 12 heures plus tard, après avoir effectué leur labeur journalier, et pour s'entasser dans leur taudis jusqu'au lendemain matin, c'est parce qu'ils pensent qu'ainsi, ils pourront satisfaire leurs besoins et survivre.

Ceci, encore une fois, ne fait que renforcer l'idéologie dominante qui ne dit rien d'autre, vous devez en être conscients: "le travail, c'est la liberté" car personne ne peut m'obliger physiquement de penser ceci plutôt que cela; je suis effectivement "libre" de mes pensées (... comme les émeutiers sont d'ailleurs "libres" de se révolter, d'après la BdE!).

Mais l'idéologie dominante sert à perpétuer l'esclavage salarié, et la moindre des choses que l'on puisse exiger des révolutionnaires, c'est qu'ils démolissent de fond en comble les mensonges sur la vie sociale que la classe dominante répand autour d'elle, plutôt que de les perpétuer, par négligence, comme vous le faites!

Si les hommes se lèvent à 6 heures du matin pour aller se faire exploiter, pour se faire tanner la peau dans les bagnes industriels, pour perdre leur âme, ...c'est tout simplement parce que dix mille contraintes les y obligent (6), de la prison à l'asile psychiatrique et aux camps de concentration, de la faim et du froid au chantage sur leurs enfants, à la maladie, la misère.

De la même façon, lorsque les prolétaires se révoltent et lorsque le prolétariat engage le combat, il s'agit toujours du combat internationaliste contre son ennemi historique: le rapport social capitaliste et son défenseur historique, l'Etat capitaliste mondial. Les prolétaires se révoltent contre leur situation de classe exploitée, ils se révoltent contre la misère, contre les privations, contre les sacrifices toujours plus mortels qui leur sont imposés, et ceci, non pas par choix, mais justement, parce qu'ils n'ont pas le choix!

Mais sur toute cette question, nous n'avons jamais restreint cette réalité de la misère à ces seuls aspects vestimentaires, alimentaires, ... (malgré vos "impressions"). Il est clair qu'il s'agit de la misère sociale d'une classe, de sa dépossession, de son extraénisation, ... de tout ce qui détermine les prolétaires à s'insurger contre le rapport social qui est la cause de cette misère!

A vrai dire, vous avez introduit ici une confusion dans notre polémique: dans votre lettre du 19/02/92, vous écriviez:

"Nous avons bien l'impression, par ce que vous ajoutez, que c'est d'avantage d'une misère alimentaire, vestimentaire, immobilière, etc dont vous parlez (...) Il n'est pas contestable que le besoin alimentaire existe, mais il est parfaitement contestable que la société soit organisée autour de ce besoin alimentaire. Si nous avons bien compris vos positions, vous voulez un monde où la répartition des ressources alimentaires (vestimentaires, immobilières, etc) correspond aux besoins de chacun. Nous, pour notre part, nous ne voulons pas que le besoin soit mieux ou moins bien réparti, nous voulons que l'humanité ne soit plus organisée autour du besoin".

Par cette dernière phrase vous montrez que vous ne comprenez le besoin qu'en tant que le besoin alimentaire, vestimentaire, etc, que vous identifiez d'ailleurs avec "la survie".

Nous vous avons clairement répondu, dans notre lettre du 19 avril 1992, que nous n'avions pas précisé (dans notre première lettre)

"ces aspects particuliers de la misère, qui à l'évidence en font partie: comment parler d'honneur ou de liberté quand on est physiquement diminué par la malnutrition ou quand son enfant meurt de froid comme prix à payer pour la perpétuation d'un rapport social d'exploitation".

Et nous ajoutions, quelques lignes plus loin:

"Mais, c'est ici justement que vous semblez introduire une séparation, une opposition entre l'amour, le courage et les folles joies d'une part, et le fait de lutter pour satisfaire les besoins de nourriture, d'habits, d'air à respirer, ...d'autre part. Pour nous, il est clair que l'existence d'une communauté de lutte signifie la prise en charge communiste, communautaire, des besoins des membres de la communauté et ces besoins comprennent évidemment les nécessités pour assurer la survie et la reproduction physique de la communauté/espèce (et encore une fois, c'est le sens même de la lutte)".

Et toujours dans cette même lettre, nous ajoutions encore:

"La logique de la société capitaliste, sa loi universelle, c'est la valorisation et cette loi de la valeur est antagonique avec les besoins mêmes les plus élémentaires du prolétariat, comme le besoin de se reproduire, par exemple. (...) Il est évident que pour l'humanité de s'affranchir du besoin alimentaire, par exemple, cela suppose qu'il soit en mesure d'assumer ce besoin, d'y répondre dans l'abondance".

Donc, nous avons très clairement établi qu'on ne peut envisager la vie en opposition avec la survie, qu'au contraire, au sein du rapport social capitaliste, la vie est réduite à une vie d'esclavage où l'homme a tout perdu et où même sa survie est en permanence menacée (guerres, famines, épidémies, catastrophes "naturelles" de toutes sortes,...) et que la société communiste est la réalisation de l'homme, l'abolition positive des séparations (travail salarié, classe, Etat, argent, ...) qui ont dépossédé les hommes de leur vie, de leurs activités, de leur communauté.

Dans votre dernière lettre, vous ne partez pas de ces affirmations, pour éventuellement argumenter le contraire, mais vous revenez à vos affirmations pour de nouveau identifier "besoin" avec "survie", pour de nouveau réduire le besoin aux besoins alimentaires, vestimentaires, ...besoin de loisirs, ...bref, pour de nouveau vous rattacher à ce que l'opinion publique affirme au sujet de cette société, car en effet, économistes, sociologues, politiciens, ...nous parlent volontiers de leur société de loisirs, de consommation, ...où l'homme travaille pour satisfaire ses besoins, où l'économie existe pour nourrir les hommes (et si des hommes meurent de faim, c'est que l'économie, la société capitaliste n'y est pas suffisamment développée!), etc...

Vous reprenez à votre compte ces fables, ces ignobles et hypocrites mensonges qui visent en premier lieu, à mythifier la réalité et par conséquent, à paralyser toute pratique subversive radicale. Encore une fois, votre théorie ne porte pas la révolte pratique contre ce monde de misère et d'exploitation matériellement existant, mais constitue une négation idéaliste du discours de ce monde sur lui-même. Votre réduction du concept de besoin aux seuls besoins dits "économiques" est l'expression de l'aliénation des besoins, et ceci, dans une société où la production sociale n'a pas pour but la satisfaction des besoins mais la mise en valeur du capital; où le système des besoins dépend de la division du travail et où les besoins n'apparaissent que sur un marché, sous la forme d'une demande solvable ou non!

Vous ne faites aucune distinction entre produire en tant qu'esclaves salariés et produire en tant qu'humains, être social, pour l'espèce. Vous maudissez la production (sans phrase, car pour vous, de façon a-historique, toute production est nécessairement production capitaliste), c'est-à-dire la création, l'activité, (dont l'homme est totalement dépossédé sous le règne de l'esclavage salarié!). Parce qu'aujourd'hui, toute activité est activité extraénisée (nous séparant de cette activité, des produits de cette activité, donc de nous-mêmes et des autres hommes), vous en déduisez: l'homme ne doit pas produire, l'homme ne doit plus avoir d'activités!

Finalement, vous ne faites guère plus qu'appliquer la Morale à "l'économie". Vous ne vous interrogez pas sur le contenu, sur le développement historique (le pourquoi de ce développement) du travail, de la Valeur, du Capital, etc..., mais vous vous contentez d'affirmer que vous êtes "contre" ...ces concepts. Tout ceci témoigne de votre incapacité à abolir dans la pratique la réalité capitaliste et à dépasser la situation historique qui a engendré cette réalité.

Vous évoquez une citation de notre article sur le mouvement révolutionnaire en Ukraine. Nous regrettons que vous ayez quelques peu déformé le sens de notre texte en omettant aussi de reproduire la dernière phrase du paragraphe cité:

"En conséquence de ce type de mesure (tout à fait insuffisantes, mais qui tracent la voie) un nombre croissant de prolétaires est également ainsi délivré des tâches productives et peut se consacrer avec plus de forces encore à l'extension mondiale de la révolution sociale".

Cette phrase est importante car elle indique très clairement comment c'est la lutte contre l'ancienne société, contre la domination mondiale de la Valeur, qui fonde notre démarche. Nous ne voyons pas en quoi les mesures pratiques que nous préconisons pour lutter contre la domination de la Valeur (ce qui ne se fait pas par décret ou par des actions symboliques) seraient antagoniques à l'abolition du travail salarié, à la destruction de l'Etat et à l'auto-suppression du prolétariat et la disparition de toute classe. Bien au contraire, elles en sont (dans leur essence) la condition! Elles constituent la lutte même, sur le plan pratique et pas "dans le ciel", pour l'abolition de la Valeur, du Capital!

Quant à la prétendue contradiction que vous croyez déceler entre la phrase...

"la question centrale était l'organisation centralisée de la production en fonction des besoins humains"

...et ce que nous affirmions dans notre précédente lettre:

"nous ne possédons aucun élément qui nous permet de comprendre pourquoi vous pensez que nous voulons organiser le monde autour du besoin",

elle n'existe que si l'on admet (comme cela semble être votre cas) qu'il n'y a pas de différence qualitative entre la société communiste où l'homme développera librement ses activités, et des situations comme celles que nous évoquons dans l'article sur le mouvement révolutionnaire en Ukraine, où le prolétariat agit pour se rendre maître de la situation, pour dominer la société de classe dont toutes les survivances continuent à l'assaillir, donc si l'on admet qu'il n'y a pas de différence qualitative entre une situation où la valeur d'échange autonomisée n'existe plus et aura été définitivement reléguée au musée de la préhistoire de l'humanité et une situation où le prolétariat révolutionnaire combat pour affirmer sa domination de l'Etat. Il s'agit ici de la même différence qualitative entre la nécessaire dictature du prolétariat et la société communiste, sans classe et donc, sans dictature de classe!

Cela nous mènerait trop loin de développer ici davantage ce point programmatique essentiel. Précisons simplement encore qu'une telle "différence qualitative" ne constitue nullement une différence de l'essence des différentes concrétisations d'un même mouvement communiste. C'est pourquoi le programme historique de notre Parti parle de l'auto-suppression du prolétariat, du dépérissement de l'Etat-commune prolétarien, de la réalisation de la religion,...

"On voit comment l'homme riche et le besoin humain riche prennent la place de la richesse et de la misère de l'économie politique. L'homme riche est en même temps l'homme qui a besoin d'une totalité de manifestations vitales humaines. L'homme chez qui sa propre réalisation existe comme nécessité intérieure, comme besoin. Non seulement la richesse, mais aussi la pauvreté de l'homme reçoivent également --sous le socialisme-- une signification humaine et par conséquent sociale. Elle est le lien passif qui fait ressentir aux hommes comme un besoin la richesse la plus grande, l'autre homme. La domination de l'essence objective en moi, l'explosion sensible de mon activité essentielle est la passion qui devient par là l'activité de mon être".

(Marx - Manuscrits de 1844)

C'est seulement en tant que critique théorico-pratique de la subsomption par le capital de la totalité de l'activité humaine, que le prolétariat révolutionnaire (entre autre à travers les contributions du militant Marx) remet au centre de la vie sociale (de ses luttes, de la société qui en émerge), l'homme, l'espèce humaine. Et ce n'est que dans ce contexte historique que l'activité de l'homme, sa production, ses besoins retrouvent leur véritable dimension.

"Pour l'économie, la production est, en général, production de choses (ou pire encore de "biens") et le mode de production (spécialement pour l'économie politique marxiste) est nécessairement mode de production de choses, mode immédiat de production. (Voilà comment vous aussi, BdE, vous comprenez la production!). Ceci est en totale concordance aussi bien avec la méthode prédominante en économie politique qu'avec l'objectif de la science et la fonction réelle de l'économie et de l'idéologie économique (l'exploitation du prolétariat). Tout cela est à son tour indissociablement lié au cadre géographique que l'économie se donne et qui correspond à cette production (Etat national comme l'une des unités dans la lutte concurrentielle), et sa vision de l'histoire, les modes de production qu'elle considère, ce sont les modes immédiats de production, les modes de production des choses.

AU CONTRAIRE, POUR LA CRITIQUE DE L'ECONOMIE, LA PRODUCTION EST AVANT TOUT PRODUCTION DE L'ESPECE OU PLUS EXACTEMENT, REPRODUCTION (l'économie politique ne tient compte de cela qu'en tant que reproduction de la marchandise force de travail, c'est-à-dire qu'en tant que reproduction mercantile) DE L'HUMANITE EN TANT QU'ESPECE. Ceci est en totale concordance aussi bien avec la méthode (matérialisme dialectique) qu'avec l'objectif de la théorie (étudier les contradictions qui conduisent à la fin de la marchandise) et la fonction réelle de la critique (théorie de l'émancipation du prolétariat, de son auto-suppression). Tout cela est à son tour indissociablement lié au cadre géographique de cette émancipation (le monde) de même qu'à sa vision de l'histoire: la production de l'homme et la contradiction entre l'humanité et la valeur d'échange autonomisée,la subsomption en elle de tous les modes de production de choses, ou ce qui est identique, la reproduction de l'humanité à partir de son inclusion/domination dans la production du capital, jusqu'à la liquidation de celui-ci. C'est-à-dire une vision de l'histoire où ce qui est au centre n'est pas l'économie en soi, mais l'homme en opposition à l'économie qui le subsume, une vision de l'histoire où la détermination économique même est expliquée historiquement et par conséquent, est niée comme détermination générale, naturelle, supra-histotique, comme cela se fait en économie politique (spécialement marxiste). Une vision de l'histoire où tous les présupposés "naturels " de l'économie sont exposés au feu vif de la critique et montrés dans leur genèse. Nous ne nous referons pas seulement à la propriété privée, à l'individu, etc..., mais précisément à cette détermination productive, à la genèse même de la production de choses en tant que but et à celle de la réduction de l'homme à un simple moyen de cette production, pour ne pas déjà parler de l'explication même de l'histoire considérée comme un fait supra-humain à partir de la production de choses. Enfin, une vision de l'histoire qui ne prend pas pour point de départ et d'arrivée "le mode de production" (en réalité, mode immédiat de production), l'homme déshumanisé mais au contraire, l'homme en tant qu'être humain, en tant que communauté. De là, la nécessité pour la critique de l'économie politique d'avoir toujours comme cadre historique de référence tout l'arc historique, la communauté primitive, l'argent comme communauté illusoire, le communisme".

"Contributions à la critique de l'économie. Chapitre 4: critique de l'économie politique - définition" dans "Communisme" n°31, pp. 110, 111.

Votre jugement sur Marx témoigne d'une méconnaissance totale de son oeuvre. Là encore, vous vous basez sur ce que la Social-Démocratie a fait de l'oeuvre de Marx, pour en réfuter vulgairement et superficiellement les apports décisifs. Vous ne vous référez nullement au militant Marx, à ses activités et apports, mais vous vous référez aux plus grossières falsifications de ces apports, vous vous référez au marxisme comme idéologie (qui, comme toute idéologie, est expression des intérêts de la classe dominante!).

Nous citerons ici quelques extraits significatifs de quelques-uns des textes de Marx, qui reflètent très bien notre propre approche basique de ces questions dites "économiques" (besoin, produit, activité humaine, travail, ...) et qui sont en contradiction flagrante avec ce que vous affirmez au sujet de Marx, prétendument "économiste". Si nous reproduisons ces citations, ce n'est point pour les sanctifier, ni pour sanctifier leur auteur ou son oeuvre (et dans laquelle il convient de les restituer): il n'y a que la sanctification (et la BdE!) pour rendre les hommes comme les choses incriticables.

"Tu as certes en tant qu'homme un rapport humain à mon produit; tu as le besoin de mon produit. Celui-ci existe donc pour toi comme objet de ton désir et de ta volonté. Mais ton besoin, ton désir et ta volonté sont impuissants à l'égard de mon produit. Cela signifie donc que ton être humain qui est nécessairement en relation intérieure avec ma production humaine, n'est pas ta puissance, ta propriété sur cette production, car ni la particularité, ni la puissance de l'être humain ne sont reconnues dans ma production. Ils sont plutôt le lien qui te rend dépendant de moi, parce qu'ils te mettent sous la dépendance de mon produit. Loin d'être le moyen de te donner un pouvoir sur ma production, ils sont plutôt le moyen de me donner (un pouvoir sur toi).

Supposons que nous ayons produit en tant qu'hommes. Chacun de nous s'affirmerait doublement dans sa production: soi-même et les autres. J'aurais 1. Dans ma production objectivé mon individualité, sa particularité et j'aurais tout autant joui, au cours de l'activité, d'une manifestation de la vie individuelle, que de savoir affirmée ma personnalité en tant que puissance objectivée, sensiblement constatable, élevée au-dessus de tout doute. 2. Dans la jouissance ou l'utilisation de mon produit, je jouirais aussi bien immédiatement de la conscience d'avoir satisfait par mon travail un besoin humain que d'avoir objectivé mon être humain et, par là, d'avoir procuré à un autre être humain l'objet qui lui convenait. 3. J'aurais été pour toi l'intermédiaire entre toi et l'espèce, j'aurais donc été connu et ressenti par toi-même comme le complément de ton être, comme une partie nécessaire de toi-même; donc de me savoir confirmé dans ta pensée et dans ton amour. 4. J'aurais directement produit dans ma manifestation de vie individuelle la manifestation de ta vie et j'aurais donc vérifié et réalisé directement dans mon activité individuelle mon être véritable, mon être humain, ma Gemeinwesen. Nos produits seraient autant de miroirs où nos êtres rayonneraient l'un vers l'autre".

(Marx -"Commentaires sur James Mill"-).

"L'ouvrier met sa vie dans l'objet. Mais alors celle-ci ne lui appartient plus, elle appartient à l'objet. Donc, plus cette activité est grande, plus l'ouvrier est sans objet. Il n'est pas ce qu'est le produit de son travail. Donc, plus ce produit est grand, moins il est lui-même. L'extraénisation de l'ouvrier dans son produit signifie non seulement que son travail devient un objet, une existence extérieure, mais que son travail existe en dehors de lui, indépendamment de lui, étranger à lui, et devient une puissance autonome vis-à-vis de lui, que la vie qu'il a prêtée à l'objet s'oppose à lui, hostile et étrangère".

"Ainsi le rapport social des producteurs au travail d'ensemble apparaît comme un rapport social extérieur à eux, entre objets (...) C'est seulement un rapport social déterminé entr'eux qui revêt ici pour eux la forme fantastique d'un rapport de choses entre elles (...) C'est ce qu'on peut nommer le fétichisme attaché aux produits du travail, dès qu'ils se présentent comme des marchandises, fétichisme inséparable de ce mode de production".

(Marx - Le Capital)

"Dire que l'homme est étranger à lui-même, c'est dire que la société de cet homme extraénisé est la caricature de la véritable communauté, la caricature de sa vraie vie générique; c'est dire que son activité lui est devenue un tourment, que sa création propre lui apparaît comme une puissance étrangère, sa richesse comme pauvreté, le lien essentiel qui le rattache à autrui comme lien inessentiel; c'est dire que la séparation d'avec autrui lui apparaît comme sa vraie vie, que sa vie est le sacrifice de sa vie, que la réalisation de son être est devenue l'anéantissement de sa vie, que sa production est la production de son néant, que son pouvoir sur l'objet est la domination de l'objet sur lui. C'est dire que, maître de sa création, l'homme apparaît comme esclave".

(Marx -Manuscrits de 1844)


 
***

 

"DEMOCRATISME ET CAPITAL"

Vous vous réclamez formellement de la démocratie. Vous écrivez que vous soutenez la démocratie, "mode de fonctionnement qui régit, statutairement notre association". Ici, nous constatons que, contrairement -en apparence- à votre démarche sur d'autres points déjà évoqués ci-dessus, que non seulement vous vous en tenez encore une fois, à une définition superficielle (au niveau de l'opinion publique) de la démocratie, mais non pas pour la rejeter quand même, ne fût-ce par une négation simple et idéaliste, mais pour la revendiquer! Vous vous revendiquez de la démocratie! Et vous, qui êtes tellement portés sur "la nouveauté", sur les "nouvelles émotions", sur un vocabulaire radical, "moderne" ...cela ne vous dérange pas outre mesure de vous revendiquer du même concept qui depuis des siècles est synonyme de l'asservissement de l'homme, de sa destruction, de sa misère! Etrange bibliothèque des émeutes! Cela ne vous pose pas de problème de vous revendiquer de la démocratie, alors que c'est cette démocratie qui assassine nos frères de classe de par le monde! Ici encore, l'explication de votre inconséquence réside dans le fait que vous ne faites nullement une critique radicale (c'est-à-dire saisissant les choses à la racine) du monde de la marchandise, mais que vous vous en tenez à une critique superficielle, au niveau de la croyance populaire qui identifie la démocratie à un mode de gouvernement, une forme de gestion, un simple mode de fonctionnement!

Et vous voilà, en conclusion, occuper à chanter l'air célèbre des gauchistes de tout poils (qu'ils soient ultra ou modernes): celui des délégués élus et révocables, de la majorité qui-a-toujours-raison, de l'électoralisme du bras levé, des assemblées souveraines, de la démocratie ouvrière, bref de la dictature de l'opinion publique. Tout attelés à comptabiliser les escarmouches de nos combats de classe, vous êtes incapables d'entendre même ce que gueulent les prolétaires que vous réduisez à l'état d'émeutiers: crève la Démocratie, crève le Monde Marchand!

Sur ce point programmatique fondamental, nous ne pouvons pas non plus, dans le cadre de cette lettre, nous permettre de mener plus loin ici nos développements sur la critique de la démocratie, comme mode de vie du Capital. Mais nous vous renvoyons à notre article sur ce sujet, que nous incluons dans cet envoi.
 

***

 

CONCLUSION

Nous avons trouvé la contre-argumentation de votre dernière lettre, décevante: quand nous évoquons la nécessité de lutter contre la valeur, vous n'argumentez pas en quoi ceci est une erreur, ou une utopie, en quoi ceci reviendrait réellement et objectivement à développer le Capital ... Non, vous argumentez en nous faisant un procès d'intention, en vous basant essentiellement sur des intentions que vous nous prêtez. Vous ne démontrez nulle part en quoi notre pratique d'attaque contre la valeur (y compris en diminuant directement, après une insurrection localement victorieuse, le temps de travail et l'intensité du travail, ...) n'attaquerait pas réellement le rapport social capitaliste, mais ne ferait que le reproduire!

Pour notre part, la critique de fond que nous vous portons concerne votre négation simple et essentiellement idéaliste du discours de la société sur elle-même. Qu'il s'agisse des besoins, de la production, de la démocratie, des luttes, des caractéristiques de la société communiste, ... à chaque fois nous retrouvons ce même dénominateur qui vous fait porter votre critique non pas contre la réalité matérielle, mais uniquement contre son reflet dans le domaine des idées, dans le monde religieux.

Par ailleurs, nous ne vous reprochons pas de ne rien connaître à la théorie communiste, au marxisme révolutionnaire et à la dialectique; ce qui est plutôt agaçant, c'est votre prétention à vous situer sur le terrain de la critique radicale de ce monde, en en défendant la plupart des catégories sous couvert de cette "novlangue" perpétuellement à la recherche d'une nouvelle manière de faire passer de la merde (la démocratie, par exemple) pour autre chose que de la merde (la critique de ce monde).

On espère plus généralement que ces quelques lignes plus critiques vous auront d'ailleurs fait comprendre que le communisme n'est en rien la fin de l'histoire, mais son début en tant qu'histoire enfin humaine, et qu'il contient donc, comme tout être, son devenir et son dépassement. Pour des gens qui se flattent d'avoir une connaissance des luttes passées, il est étonnant que vous n'ayez jamais pris connaissance de ce point de départ communiste.

Nous voudrions terminer en vous renvoyant votre critique sur la forme.

Vous ne trouvez aucune gaieté à nos textes parce qu'il y manque sans doute ce piment "littérateur" dont vous assaisonnez pompeusement vos lettres. Nous savons ne pas être orfèvres en littérature, pour la bonne et simple raison que nous encourageons chacun de nos camarades à écrire ses passions et ses perspectives dans nos revues, et cela qu'il ait ou non obtenu un certificat dans les bagnes scolaires. Mais nous privilégions le contenu quand vous privilégiez la forme. Nous parlons de lutte et de ruptures, là où vous cherchez la "nouveauté" et la "modernité" dans l'expression. Cette question de forme est en définitive le seul argument avec lequel vous pensez convaincre, en espérant ainsi occulter le contenu de nos véritables désaccords. C'est peu...

...mais cela nous permet d'aborder ce sujet en vous proposant tout de même de jeter un regard critique sur votre propre stylistique. Vos textes puent l'artiste, cette catégorie d'être qui tente vainement de cacher sa propre misère en sublimant celle des autres. L'expression autosuffisante, pompeuse et prétentieuse que vous maniez pour communiquer votre vision des luttes dessert cruellement celle-ci. C'est comme si vous enrobiez le langage fait de "cris et de coups" des émeutiers de ce flou artistique qui sert au cinéma à rendre moins cru, les pires images des misères de ce monde.

Enfin, et pour vous prouvez que notre désir de vous voir dépasser la triste réaction sectaire de votre dernière lettre, va au delà de la question du style, on vous l'exprime ici, dans votre propre langage:

Nous espérons sans aucun sentiments circonstanciés, que cette lettre certainement trop didactique aura néanmoins l'infime avantage d'éclaircir avec humour, sensualité, intelligence et plaisir, les épais arguments par lesquels nous nous flattons d'exprimer notre passionnée cohérence quant à l'inévitable devenir révolutionnaire de ce triste monde, et que cette épineuse discussion pourra ainsi gaiement se poursuivre sans que le poids de nos styles ne constitue une quelconque entrave à l'éclaircissement heureux de nos désaccords!
 

GROUPE COMMUNISTE INTERNATIONALISTE


 

(1) Nous supposons que c'est cet infâme humaniste bêlant, et ancien curé maoïste, qu'est Bernard Henri Lévi qui vous inspira votre comparaison à propos des Khmers Rouges, à moins que vous n'ayez tiré de votre propre démocratisme, cet élan émouvant qui vous fait dénoncer comme "fascistes rouges" tous ceux qui dépassent l'horizon borné de votre petite conscience réifiée!

(2) Une caractéristique invariante de tout idéalisme et de la conception bourgeoise de l'histoire est d'isoler, de séparer les faits de leur environnement historique, de leur mouvement, de leur devenir pour les expliquer par l'avènement des idées ou de tel ou tel idée nouvelle émise par quelque homme remarquable.

(3) Encore une fois, "notre" Parti ne fait pas référence à notre petite organisation contingente, mais bien à l'ensemble des expressions communistes, et donc organisées, de notre classe à travers l'histoire de ses ruptures avec le mouvement d'affirmation de la démocratie et du capitalisme.

(4) "Dirigiste ", comme vous l'écrivez ... Mais quelle confusion de votre part! Que les luttes du passé aient été défaites ne serait pas du au fait qu'elles aient été physiquement écrasées et "politiquement" encadrées, récupérées dans une perspective de recomposition capitaliste ... non ... selon la BdE, c'est parce qu'elles ont été "centralisées et dirigées"!

Une direction imposée? Par des centralistes? De l'extérieur? Par des organisations pré-existantes? Pauvres "émeutiers modernes"!!! Alors que vous prétendez êtes en train de réaliser la négation de ce monde, vous voilà maintenant menacés, vous et votre beau projet ... par la honteuse tendance de certains à se substituer à vous!

(5) Alors que par ailleurs, nous affirmons que le capital est en perpétuelle transformation, avec l'exacerbation et l'approfondissement ininterrompu de toutes ses contradictions.

(6) Contraintes auxquelles vous êtes vous-mêmes soumis, (trop) chers Bibliothécaires des Emeutes, vous qui n'avez pas non plus d'autres solutions que de vendre votre force de travail pour survivre, et cela bien que vous affirmiez n'avoir plus aucune croyance dans l'économie! Et de la même manière, vous êtes bien contraints de consommer la nourriture capitaliste quand vous avez faim!


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