A) Du 10 janvier 1978 à fin septembre 1978


 

3) L'étincelle (du 10 janvier au 22 janvier 1978)

Le 10 janvier 1978, Pedro Joaquín Chamorro est assassiné en pleine rue. Cet oligarque, valet de rechange de Somoza, d'opposition parce que modéré et modéré parce que d'opposition, est à la fois membre du PCN, opposition légale, leader de l'UDEL, opposition semi-légale et surtout, directeur de La Prensa, journal de toutes les oppositions, qui proteste en termes très prudents contre la dictature. Chamorro était la digue du régime, il passait pour impossible de s'opposer plus fort que lui. A la nouvelle du meurtre, ne doutant pas que Somoza en soit responsable, la digue est rompue, un flot de Managuayens envahit les rues. Cette manifestation devient émeute dans la nuit du 10 au 11, émeute qui continue le 11 toute la journée : les insurgés incendient les centres commerciaux, s'en prennent aux usines et attaquent même les banques, dont une de plasma sanguin, sorte de Dracula des temps modernes sur laquelle La Prensa venait de publier une série d'articles dénonciateurs. L'opposition est tellement surprise et effrayée par tant de violence soudaine, que, remède infaillible, elle appelle à une grève de 24 heures pour le 12, jour de l'enterrement de sa tête. Le cortège rassemble 120 000 personnes et dégénère en affrontement avec la Garde Nationale : 2 morts. Somoza, non moins consterné par l'ampleur de ces manifestations, dès le 12, jette du lest : il fait arrêter quelques uns de ses acolytes comme suspects de l'assassinat de Chamorro, dont le directeur exécré du trafic de globules, qui fait un coupable très propice.

Là, les nouvelles s'arrêtent. Le Nicaragua n'est toujours pas dans l'information mondiale. A la rigueur un tremblement de terre, comme celui qui détruisit tout Managua en 1972, ou la levée de l'Etat de Siège, le 19 septembre 1977, comme effet de la "politique des Droits de l'Homme", le créneau électoral qui a amené Carter à la présidence des Etats-Unis, voilà de la copie honnête, même si seuls les nicaraguologues s'en souviennent encore. Mais une émeute, sans chefs, sans buts, aux raisons vite dites, est aussi embarrassante à détailler que commode à abréger. C'est pourquoi dès le 13, aussitôt que Somoza a livré ses boucs émissaires, l'information entérine et cesse. Tout porte à croire que c'est bien la seule chose qui ait cessé. Car si l'opposition lance un ordre de grève générale, illimitée cette fois, pour le 23 janvier, ce ne peut être dans l'état de faiblesse dans lequel la mort de Chamorro l'a révélée, et face à la force qu'ont fait sentir les insurgés depuis le même moment, que pour contenir ce mouvement qui s'amplifie.


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