Vie des téléologues modernes


 

Ce ne sont pas les demandes insistantes sur notre mode de vie, et notre pratique, qui nous font l'évoquer ici, puisqu'elles sont généralement sans autre objet que la curiosité ou le potinage, et qu'elles n'émanent que d'individus qui se gardent bien de raconter la leur, fort heureusement du reste ; mais les supputations qui en découlent où le grotesque le dispute à l'odieux. D'étudiants à fonctionnaires, en passant par fils à papa, caves et morveux, ou encore dirigeants de parti à l'ancienne en devenir, sans parler du binôme fier à bras/intello, la galerie souvent comique des fantasmes de ceux qui voudraient enfin savoir a au moins une constante intéressante : les téléologues modernes, et ce qu'on suppose de leur vie, sont passés au tamis du modèle situationniste, et plus exactement au modèle du modèle situationniste, la vie de Debord. Tout ce qui est reproché aux téléologues dans la partie si secrète qu'est leur mode de vie - certaines des hypothèses avancées sont des ballons d'essai, de risibles provocations, d'autres des expressions profondes d'une haine bien méritée - est ce que les situationnistes, et Debord en particulier, ont condamné comme incompatible avec une véritable vie de révolutionnaire.

Il faut d'abord signaler que nous ne trouvons pas admirables la vie des situationnistes, ni celle de Debord en particulier. Il y a à cela deux raisons principales.

La première est qu'une vie se mesure dans son entier, et non dans l'apparence fugitive qu'elle donne en mettant elle-même en scène le meilleur d'elle-même. Nous pourrions certainement admirer le succès des situationnistes s'il n'avait pas eu pour conséquence immédiate un échec si grave, et si mal reconnu et assumé qu'il a donné d'excellentes armes à nos ennemis communs. De même, la vie de Debord s'est si fortement détériorée, au moins dans son dernier quart (de côtes), qu'il faut être un bien pauvre bougre pour en désirer le glamour sans voir que tout ce qui l'a corrompue était donc déjà une partie de ce qu'il y avait là d'admirable.

Les situationnistes, et Debord en particulier, ont posé la cohérence entre une vie de révolte et un discours sur la révolte. C'était là une critique fort à propos contre les apparatchiks des organisations qui se disaient « révolutionnaires », et contre le début d'une fraction d'« intellectuels » eux aussi furieusement « révolutionnaires », fraction en constitution dans la société, il y a un demi-siècle. Contre ces vertueux hypocrites il s'agissait d'affirmer que le voyou mettait certainement bien davantage en cause ce monde en s'attaquant à la morale, à la propriété, au respect et à l'autorité jusque dans l'art et la culture. Non seulement il s'agissait d'exalter la vertu du voyou, mais, couronnement de cette insolence, les situationnistes et Debord en particulier prétendirent que le voyou pouvait être un théoricien de la révolte, sinon le seul théoricien de la révolte.

L'excellence du voyou étant posée, les situationnistes travaillèrent cette image, Debord en particulier. Le voyou à la mode situationniste est un personnage assez particulier, puisqu'il ressemble à Debord en particulier. Il ne passe pas sa vie en prison par exemple, comme beaucoup de voyous ; il n'est pas maquereau, chef de bande, pute, indic, dealer ; il ne rêve pas de la grosse galette ; ni les services de l'Etat, ni les promoteurs immobiliers, ni les organisateurs de spectacle n'arrivent à l'embaucher pour la taille de ses muscles, ou pour son impavidité désargentée. Le bon voyou de l'IS est malin, lucide, fêtard, porté aux excès mais à la discrétion, il déjoue aussi bien les répressions que les récupérations, il lit beaucoup. La théorie est pour lui comme le travail pour le petit employé : il y passe beaucoup de temps, mais la méprise, parce que la théorie est très inférieure à la pratique dans laquelle, par définition, il excelle.

On a pu croire que les situationnistes avaient été prétentieux dans la théorie. Il n'en est rien : ils semblent y avoir été assez francs, un rien insouciants. C'est dans l'image qu'ils ont voulu donner de leur vie que les situtationnistes, Debord en particulier, ont fait preuve des qualités qu'on trouve depuis en abondance dans la publicité marchande : positivité sans failles, vantardise, effets de style. Ce n'est pas de leur théorie que les situationnistes ont vu naître un fort mouvement de suivistes, c'est de l'exemplarité affirmée de leur vie. La théorie, chez Debord, est un peu de verroterie, l'une des parures les moins indispensables de l'excellence de sa vie. Debord lui-même dit avec mépris : « Ils ont l'air de croire, les petits hommes, que j'ai pris les choses par la théorie, que je suis un constructeur de théorie… » et plus loin « (...) aucune époque vivante n'est partie d'une théorie : c'est d'abord un jeu, un conflit, un voyage ». A côté de leur vie magnifique, il faut donc tenir pour peu de chose la théorie des situationnistes, et de Debord en particulier, même si leur théorie est évidemment la seule chose qui leur reste et que ceux qui n'ont jamais fantasmé sur les voyous lettrés - ils sont rares, dans notre société - ont toujours cru que les situationnistes, et Debord en particulier, étaient des théoriciens et rien d'autre.

L'image du voyou lettré, révolutionnaire mais sans jamais subir l'échec de la révolution, c'est-à-dire la retraite, les dissimulations indignes, les humiliations, les bassesses et les médiocrités, insolent mais sans que cette insolence ne puisse jamais être châtiée, dans un monde pourtant complètement hostile et plus fort que lui, a provoqué la première vague de ce qu'on appelle les prositus. C'est une touche du succès de ce personnage de roman que les prositus ont voulu s'approprier ou contrefaire. C'est dans ce mode de vie mystérieux, altier, implacable et nébuleux que les prositus ont admiré et voulu atteindre à la réussite, tout imaginaire, des situationnistes. Dans 'la Véritable Scission', Debord et Sanguinetti n'ont réalisé qu'une seule véritable scission : celle entre ce mouvement prositu de masse, superficiel, ignorant et passager, et le cœur du mouvement prositu, le vrai mouvement prositu, celui qui a survécu à l'Internationale situationniste et que les téléologues ont appelé postsitu.

Le postsitu est d'abord le prositu qui vient après cette fin de l'Internationale situationniste qu'a été 'la Véritable Scission'. Le postsitu est d'abord quelqu'un qui approuve 'la Véritable Scission', sans réserve et sans critique : il a compris qu'il ne pouvait être ni étudiant (ce qu'il savait déjà, même s'il en doutait parfois) ni cadre, il suit la critique des suivistes, sur cet escalier un peu raide et savonneux, il s'invente des noms exutoires (comme le derriériste de Knabb), il dénonce des prositus à tour de bras, surtout pour éviter de passer pour tel, et il resserre sa déjà maigre existence dans le cadre des vives exclusions stipulées par les situationnistes, et Debord en particulier.

Entre le moment où les situationnistes ont promis à Gallimard qu'il n'aurait jamais plus un seul de leurs livres et celui où Debord a confié à Gallimard tous ses livres, le petit peuple postsitu a beaucoup souffert. D'abord, les prositus de la première vague, peu amusés par la sévérité des arrêts pour devenir eux-mêmes admirables, sont retournés en fac, puis sont devenus cadres. La petite minorité qui est restée est devenue ce petit milieu triste et gris, se conformant aux sévères restrictions (ou cherchant des échappatoires autorisées par la vulgate) de Debord pour atteindre l'harmonie, fort animée va sans dire, de l'excellence du voyou lettré.

Mais alors que les prositus avaient rarement eu plus de trente ans, la majorité des postsitus en a rapidement eu plus de quarante ; alors que les prositus étaient au moins tapageurs et joyeux, les postsitus ont vite tourné en rond dans une misère qui n'avait rien à envier à celle des étudiants et des cadres. Dans ce milieu fermé tout le monde se craint, se méfie de l'autre, se méprise et s'insulte, on s'y ennuie beaucoup, parfois un peu étonné que l'excellence du voyou lettré, ce n'est donc que ça. Quoique la théorie devrait y être méprisée, elle est absolument tout dans ce petit milieu de pauvres qui confondent verroterie et bijoux, bijoux et verroterie. Et quoique la théorie soit absolument tout, on affecte souvent qu'elle est fort peu. Il est seulement capital de connaître très bien Debord, les postsitus comme les prositus gagnent un galon à affirmer l'avoir fréquenté, ou seulement rencontré, il faut approuver ses textes sans réserve, et ne pas s'interroger sur les buts de Debord au-delà de ce qu'il en a dit, le négatif simple, ou en tout cas garder ses doutes pour soi. Aussi trouve-t-on deux sortes de postsitus : quelques voyous, qui sont provisoirement encore trop peu lettrés, mais qui tentent par différentes méthodes de gavage de combler ce retard sur l'excellence visée ; et quelques semi-lettrés, qui ne sont provisoirement pas voyous, mais qui se tiennent prêts à le devenir dès que l'occasion se présentera d'elle-même. D'infinis arbitrages entre un peu plus de voyou et un peu plus de lettres pour atteindre à la balance la plus juste montrent surtout l'incapacité de discuter le modèle et son excellence.

La vie de Debord est en effet toute l'excellence de feu l'IS. C'est la chose positive que l'IS a donné à consommer, et même à singer, c'est la source véritable du mouvement prositu qui a submergé puis noyé l'IS. Tout comme un demi-siècle plus tôt les bolcheviques, les situationnistes avaient encore un mode de vie idéal à offrir. Et pour que cette vie soit véritablement idéale et exemplaire, elle était devenue un passage obligé pour devenir révolutionnaire, aucun détail n'en a jamais été critiqué. Cette pure négativité était en réalité une positivité qui aurait fait rougir Kant et saliver Ogilvy.

C'est enfant qu'on apprend aujourd'hui qu'après avoir gravi le faîte d'une barricade il faut en redescendre. A la première retraite on meurt ou c'est la négativité simple qui meurt. Il faut alors composer, que ce soit à l'hôpital, en prison, à la rue, au travail. En nous faisant savoir comment il a vécu, Debord a toujours soigneusement dissimulé ses compromis, comme s'il n'y en avait pas. Il payait ses gorgeons, mais l'argent qu'il mettait sur le coin du comptoir n'était pas en contradiction avec la belle image du voyou lettré, et celui dans la main duquel il mangeait, Jorn, Lebovici, était exempté de la critique sur l'origine de sa munificence. Quand les situationnistes faisaient des petits boulots, ils n'en continuaient pas moins d'affirmer qu'ils ne travaillaient jamais. On se demande même pourquoi ils luttaient pour l'abolition des classes sociales, puisque eux-mêmes, déclassés s'il en fut, n'étaient donc pas concernés, avaient trouvé la solution dans leur petite tête de malin : pourquoi, par la bonne de saint Marx, tout le monde n'a pas fait comme eux ? Quand Debord passait près du flic au coin de sa rue, lequel était le plus tranquille des deux ? Si c'est le flic, comme l'histoire le prouve, nous appelons cela un dur, un honteux compromis.

La vie de Debord n'est pas une vraie vie de vaincu qui survit dans les conditions de la défaite, mais un roman sans tache. Qu'on le goûte est assez compréhensible, les romans sans tache élèvent toujours le cœur des jeunes filles, comme la vie d'Emmett Grogan qui, dans le même genre et à la même époque, était encore plus goûteuse que celle de Debord. Mais lorsqu'on oublie qu'il s'agit d'un roman on devient une plate madame Bovary : les postsitus sont des caricatures de personnages de Flaubert. Que la vie de Debord aille à Debord, y compris dans le maquillage de sa misère, et que Debord ait réussi à en tirer ce qui nous intéresse est une chose ; mais qu'il y ait là de l'admirable ou de l'exemplaire en est une autre, et les postsitus ont montré dans l'imitation l'étendue de la misère de la vie de Debord : rien de plus médiocre que la plupart de ces sous-voyous, sous-lettrés, anachroniques, vivant au ralenti, et submergés par les questions de survie bien davantage que la plupart des petits employés qui au moins n'y trouvent pas matière à illusion, à glorification. Une vie dépend de son projet, et celui de Debord n'est pas le nôtre : de la même façon que nous ne pensons pas que le travail puisse être aboli de manière individuelle, puisque nous ne pensons même pas que le travail puisse être aboli pour tous, nous ne pensons pas qu'on puisse avoir une vie « révolutionnaire » en dehors d'un moment de révolution, et même qu'une vie puisse être aujourd'hui exemplaire ou admirable, parce que sauf si on est d'accord en tous points avec l'idéologie dominante, il faut composer avec elle, il faut se compromettre et se compromettre n'est jamais admirable. Toutes les vies, aujourd'hui, sont médiocres. Le peu que je sais de celle de Debord le confirme : il a critiqué mieux que les autres en son temps, puis il s'est abruti et vendu. Il n'a jamais montré qu'il fût en colère contre ses propres insuffisances.

La seconde raison pour laquelle la vie de Debord ne nous paraît pas admirable, c'est qu'elle semble plutôt impropre à réaliser les buts de la téléologie moderne. Debord ne formule pas de but à sa vie, parce que c'est sa vie, moins sa fin et ses conséquences, qui semble avoir été son but. Si les compromis de Debord nous paraissent d'autant plus honteux qu'il a voulu glorifier sa vie, les complaisances qu'il a pour lui-même nous paraissent frivoles, ampoulées et sans saveur, sans goût. La vie de Debord n'a pas beaucoup d'importance en dehors du mythe de son excellence. Il aurait mieux fait de s'intéresser à « L'art de conférer » : « Publiant et accusant mes imperfections, quelqu'un apprendra de les craindre. Les parties que j'estime le plus en moy, tirent plus de l'honneur de m'accuser que de me recommander. Voilà pourquoi j'y retombe et m'y arreste plus souvent. Mais quand tout est conté, on ne parle jamais de soy sans perte. Les propres condemnations sont toujours accruës, les louanges mescruës. »

La vie d'un voyou lettré paraît davantage vouloir éterniser que finir. En voilà un qui était satisfait de son existence ! En voilà un qui n'a vu du négatif que ce qui brille, mais qui ne l'a jamais vu retourné contre lui ! En voilà un qui avait donc trouvé un refuge acceptable dans un monde pourtant inacceptable ! Comme Debord, je suis capable, si je la raconte, de donner une image glorieuse de ma vie. Mais contrairement à Debord, ce n'est pas mon propos, mon désir. Mon insatisfaction n'y trouve pas son compte. Tant que je ne serai pas résigné, c'est l'insatisfaction qui est le maître de ma vie. L'insatisfaction pousse à finir, la satisfaction à durer et endurer.

Lorsque Debord parle de Debord, il omet les autres. Mon individualité a été attaquée par les autres, par l'aliénation, au point que je ne peux plus véritablement la soutenir. Sans doute Debord appartenait-il à une époque encore pauvre en esprit, comparée à la nôtre, si pauvre qu'on pouvait encore y affirmer l'unité de la théorie et de la pratique, et la supériorité de la conscience, et sans doute, en tentant de réunir cette cohérence minimum, Debord était l'arrière-garde de cette époque (même s'il est tout à fait émouvant d'avoir voulu reprendre à force armée ce vieux rêve de l'homme universel, de l'homme total) où l'individu a perdu sa vérité stirnérienne. Je n'ai d'individu qu'un système de défense, fort insuffisant du reste. Si je voulais aujourd'hui parler autant de moi que Debord parle de lui, je serais contraint de parler bien davantage des autres ; et si je voulais parler de quelqu'un d'autre que moi, je serais peut-être amené à parler davantage du miroir que je serais à cet autre.

La génération de Debord avait commencé une critique, devenue urgente, de la célébrité. Nous l'avons continuée : nous n'avons même plus de noms, de visages, de nombre. Les spectateurs de l'ex-Bibliothèque des Emeutes n'ont pas compris que si celle-ci a été dissoute, c'est parce que la défaite du mouvement dont elle a fait partie commençait aussi à en faire une petite célébrité. L'observatoire de téléologie n'en est pas encore là, mais il se sent assurément plus menacé par ses spectateurs que par ses ennemis, en dépit de toutes nos mesures, et il disparaîtra avant que la vague du succès ne l'ait fait reconnaître en tant qu'autorité, malgré tous les avantages de l'autorité que d'autres, parmi les plus radicaux après Debord, continuent d'utiliser.

Les téléologues modernes bricolent leurs existences en fonction de leur but. Faut-il attaquer une armée ennemie, faut-il attaquer une banque après l'autre, faut-il mettre en communication ceux qui attaquent ce monde ? C'est cette dernière perspective qui a paru la plus nécessaire. Le reste en découle : construire un observatoire et faire l'imbécile en évitant d'être détecté. Se placer au milieu plutôt qu'à l'extrémité nous paraît plus logique pour faire basculer le tout. Il y a deux milieux bien différents qui peuvent se confondre : l'un est la médiocrité, le milieu du troupeau, l'autre est le carrefour de toutes les pensées, l'éminence stratégique. Parfois la pensée la plus radicale est celle qui va des racines à l'extrémité des conséquences, c'est pourquoi nous pensons que Debord a eu la pensée la plus radicale de son temps ; et parfois la pensée la plus radicale est celle qui voit le mieux tout ensemble.

Notre critique de la survie n'est pas dans la survie, comme la critique de l'économie n'est pas dans l'économie ou comme la critique de la religion n'est pas dans la religion. La critique de notre survie est dans notre vie, et notre vie est ce que nous pouvons avoir d'historique : en premier, et de manière la plus apparente, notre théorie (toute théorie est une pratique), la téléologie moderne.

Contrairement aux situationnistes et en particulier à Debord, aux prositus et en particulier aux postsitus, ce n'est pas notre survie qui détermine notre vie, mais notre vie qui détermine notre survie. Ce n'est pas de la rébellion dans la survie que nous avons déduit le but le plus adéquat dans l'histoire ; c'est du but que nous nous sommes proposé dans l'histoire que nous avons déduit la survie la plus adéquate. C'est parce que notre but est fondamentalement hostile à ce monde que notre vie est rebelle en entier (même si notre seule pratique du négatif était notre théorie, la téléologie moderne) et que notre survie pourrait même ne l'être pas du tout.

Les situationnistes ont mis leur négatif dans la survie et leur positif dans la vie. Nous avons mis notre négatif dans la vie en abandonnant notre positif à la survie. L'échec des situationnistes dans l'histoire nous a permis ce renversement, que l'on peut formuler encore ainsi : l'IS avait une perspective courte, pour une histoire infinie ; nous construisons la perspective la plus longue, pour finir l'histoire.

Nos vies sont beaucoup moins importantes que ce que nous disons. Comme elles sont neutres, elles ne parlent pas ou ne disent que toutes les généralités. Dans les meilleurs moments, brefs et rares, elles ressemblent à ce que nous avons voulu en faire : des transmetteurs de pensée, qui savent aliéner de la pensée. Pour le reste, à quelques choix clairs qui concernent la différence entre collaborer et subir s'opposent une foule de petits compromis discutables, et discutés, que tous les pauvres modernes connaissent et discutent. Il n'y a là non plus rien d'exemplaire, sauf pour ceux qui voudraient faire exactement la même chose que nous, mais nous voyons si peu pourquoi que nous serions les premiers à leur cracher dessus.

Pour soutenir l'insupportable orgueil de notre propos, nous avons donc dû être d'autant plus modestes sur nos vies, insupportables de modestie.

(Observatoire de téléologie, texte de 2000.)


Editions Belles Emotions
La Naissance d’une idée – Tome II : Téléologie moderne Précédent   Table des matières