Notes


 

8. Kosovo

Après une révolte en 1971, le premier soulèvement dans la province du Kosovo commença en mars 1981, lorsque les étudiants, puis les ouvriers et chômeurs descendirent dans la rue à Pristina, capitale de cette « région autonome » à l'intérieur de la Serbie, qui était le plus grand et le plus peuplé des Etats de la fédération qui s'appelait Yougoslavie. Mais dans les jours avant et après l'émeute du 3 avril de cette année-là, qui déclencha involontairement un très long état d'urgence, les nationalistes albanais, indépendantistes et irrédentistes parviennent à récupérer la direction de la révolte.

Effrayé par une vague de grèves sauvages pendant les trois premiers mois de 1987, le stalinisme soft de la Yougoslavie produit un nouveau type de démagogue, Milosevic. Cet arriviste construit son discours sur le nationalisme serbe, par opposition symétrique au nationalisme albanais du Kosovo, où tout est resté en l'état depuis l'albanisation de la révolte de 1981 : Albanais contre Serbes. A la mi-1988, Milosevic commence une campagne pour supprimer l'autonomie du Kosovo. En trois mois, il réussit à réunir plus de 2 millions de manifestants. La Constitution de Serbie est modifiée, l'autonomie du Kosovo et de la Vojvodine est abolie. Ceci déclenche de nouvelles émeutes au Kosovo, les 27 et 28 mars 1989. Il y a 24 morts, et le couvre-feu est instauré.

Une nouvelle émeute a lieu à Pristina le 2  novembre 1989. Puis du 26 janvier au 1er février 1990, c'est une insurrection ouverte de toute la province, faisant officiellement 26 morts, et qui aura des résurgences les 16 et 20 février. Contrairement aux insurrections modernes, qui convergent vers le cœur des villes et les carrefours de la communication, celles qui sont nationalistes se déportent vers les campagnes. Dans celles du Kosovo, on déterre les vieux fusils de la résistance antinazie, et c'est là le dernier acte subversif des nationalistes, qui sont essentiellement vieux.

Le nationalisme en Yougoslavie a fonctionné comme un poker menteur : d'abord le nationalisme albanais s'installe pour contrôler une révolte, lui donner son nom et son but ; puisque ça marche, le nationalisme serbe, plus grand, plus puissant, se définit contre lui pour étouffer un mouvement social ; puisque ça marche, l'opposition serbe fait de l'ultranationalisme contre Milosevic ; puisque ça marche et sous prétexte d'être effrayés par une Grande Serbie, qui voudrait détruire l'équilibre à l'intérieur de la Yougoslavie, les ultranationalistes prennent le pouvoir en Slovénie et en Croatie. Ainsi commencent, en 1991, la guerre de Croatie puis, en 1992, celle de Bosnie. Entre-temps le Kosovo, dont les nationalistes avaient commencé la partie, est oublié.
 

(Texte de 1998.)


Editions Belles Emotions
La Naissance d’une idée – Tome I : Un assaut contre la société Précédent   Table des matières   Suivant