B) Guerres d'Etat


 

2) Guerres d'Ethiopie

Pour deux raisons les deux guerres d'Ethiopie méritent un bref rappel. La première est la part d'attention qu'elles ont occupé en 1978 et 1979. Ce serait une faute de ne citer aucune des pustules de l'information, qui en leur temps ont pu prendre de la place aux débuts d'offensive d'Iran et du Nicaragua. Servir l'information est un emploi involontaire vers lequel les guerres d'Etat qui s'éternisent sont recyclées.

La seconde raison est plus importante et elle justifie que les guerres d'Ethiopie figurent en préambule des autres. Leur raison est la raison principale des guerres d'aujourd'hui : combattre l'ennemi intérieur en lui substituant un ennemi extérieur. Déportant officiellement dans les campagnes hostiles d'Ogaden et d'Erythrée la guerre officieuse qui faisait vraiment rage dans Addis Abbeba, leurs alliés d'URSS ont appris aux dirigeants inexpérimentés d'Ethiopie qu'une guerre entre Etats est toujours d'abord une diversion, ensuite une répression. Ce n'est pas que Mengistu et sa flottante équipe militaire n'aient choisi l'invasion somalienne en Ogaden, mais cette guerre les a seule débarrassés du cauchemar des kébélés. Le président somalien, Syad Barre, s'est trompé en avançant derrière la feuille de vigne qu'était le Front de Libération de l'Ogaden dans l'espoir rapace ou désespéré d'annexer cette contrée ; et les protecteurs russes des deux Etats savaient bien qu'il fallait d'abord éteindre le grand incendie d'Addis Abbeba dont découlait la petite incontinence frontalière qui servirait d'extincteur, et qui serait facile à résoudre si elle ne tenait que dans l'ambition de Syad Barre, et facile à retourner si elle était la fuite devant quelque menace analogue aux kébélés, à Mogadiscio. Aussi, lorsque l'URSS eut pris son parti de trahir son allié le plus ancien au profit de son allié le plus malléable, cette guerre d'Ogaden fut terminée à l'avantage du statu quo ante entre fin janvier et mi-mars 1978.

Tout au contraire, la guerre d'Erythrée, qui était une guerre éternelle, est restée une guerre éternelle. La présence de plusieurs guérillas, dont l'une avait également pour allié et fournisseur l'URSS, est la meilleure garantie policière : c'est assurément une province où il n'y a pas de pauvres modernes, et vraisemblablement pour longtemps. Car la guerre y dure toujours, même si sa vigueur ne fut jamais aussi grande qu'en 1978 et 1979, où l'attention internationale fut proportionnelle à l'hémoglobine, sans qu'on puisse distinguer lequel excita plus l'autre. Le 7 août 1979, en tous cas, la guérilla prétend avoir tué 15 000 Ethiopiens en un an. C'est le petit supplément à payer pour plonger définitivement les kébélés, déjà réduits au silence, dans l'oubli.


Editions Belles Emotions
Du 9 janvier 1978 au 4 novembre 1979, par Adreba Solneman Précédent   Table des    matières   Suivant