C) Les frontières de l'Iran


 

5) Frontière russe

b) Turkménistan (Torkamânestân)

Lorsque vous lirez que les Turkmènes avaient soutenu le gouvernement Bakhtiyâr, traduisez : les indépendantistes nationalistes turkmènes. Aussi, à la chute de ce gouvernement se forme un "Centre Culturel et Politique du Peuple Turkmène" ainsi qu'un "Comité Révolutionnaire", tous deux à Gonbad-e Kâvus, car même les représentants du tribalisme, qui prétendent raviver le lustre des yourtes de feutre et le commerce des bonnets d'astrakan, se disputent désormais dans les villes, pour former des Etats.

Dès fin février 1979, à Bandar-e Shâh, de "graves affrontements" opposent les sunnites turkmènes aux shi'ites iraniens, pour changer le nom de la ville en Bandar-e Torkamân ou Bandar Eslâm : ce premier nom sera finalement concédé. Cependant, dans les campagnes, les nomades occupent les terres des riches commerçants shi'ites. Des renforts de gardiens de la révolution arrivent à Gonbad-e Kâvus, localité capitale de la région, pour soutenir le Comité Révolutionnaire. Le 26 mars, une affaire de contrebande de cigarettes met le feu à la ville. Il faudra attendre le 1er avril pour qu'elle soit "presque entièrement" reprise. Il y a 50 morts. Le 2 avril, les envoyés de Tâleqâni, devenu, depuis le Kurdistan, une sorte de chef de la diplomatie frontalière, négocient l'accord suivant : 1) transport des blessés, 2) démantèlement des barricades, 3) négociation pour la libération des otages, 4) maintien de l'ordre par l'armée, qui s'interpose entre les combattants.

D'un côté, la révolte urbaine et spontanée de la jeunesse, téhéranaise en actes ; de l'autre, pour endiguer une aspiration si vaste, le particularisme des chefs locaux. Contre ces excès révolutionnaires (révolutionnaire devient soit la tautologie qui signifie anti-Shâh, soit une opprobre calomnieuse), soutenus en personne depuis Téhéran, et par cette raison nécessairement infâmes, ces chefs locaux qui espèrent hériter de la région, récupèrent et canalisent une partie de la colère qu'ils ne craindront désormais plus. La jeunesse locale est maintenant divisée par un problème qui n'est pas le sien : soit elle collabore à l'intrusion des "gardiens de la révolution", cette néo-police, soit elle est réduite à ne plus que défendre, néo-police aussi, la boutique des aïeux. Voilà l'abrégé de ce qui a agité chaque province-frontière d'Iran en 1979.


Editions Belles Emotions
Du 9 janvier 1978 au 4 novembre 1979, par Adreba Solneman Précédent   Table des    matières   Suivant